“ Qui suis-je ? ” et “ Suis-je hors-normes ? ”. Je répondrais aujourd’hui à ces questions, en vous confiant mon histoire personnelle.
1958 :
année de ma naissance, à Paris. Je suis un enfant du baby-boom, né de parents très jeunes. Âgés de 20 ans, ils étaient mineurs à l’époque, car la majorité juridique était acquise à 21 ans. Elle est passée à 18 ans en 1974.
1959 :
ma sœur vient au monde, prématurément, 12 mois et 12 jours après ma naissance.
1960 :
mes parents s’installent en banlieue sud de Paris, dans un HLM neuf, à la campagne, proche d’une ferme où nous allions chercher le lait à pied. Ma soeur et moi avons grandi dans ce lieu, entre ville et campagne, sans oublier l’école primaire, toute proche. L’instituteur disait à mes parents que j’étais promis à un bel avenir, compte-tenu de mes résultats scolaires, mais je n’y prêtais pas attention. J’avais d’autres grenouilles ou tritons à attraper et à observer. Je les pêchais dans l’étang d’à côté.
1969 :
j’entre au collège public l’année qui suit les évènements de Mai. Le seul souvenir qu’il me reste, est que nous n’avions pas d’école certains jours de Mai 68. Je pouvais alors explorer la campagne. Quelle chance ! Sinon, j’étais aussi un ado bavard et provoquant, pendant deux ans. J’étais collé pour ces mêmes motifs.
1971 :
direction le collège privé, et sa discipline. Dans les premiers jours de mon arrivée, je reçois une baffe d’un surveillant car je parlais dans les rangs. J’ai appris à me taire, je n’étais pas un adepte des baffes… Cette année particulière représente aussi le moment où je fais connaissance avec le cancer et la mort de mon parrain. Un choc m’ayant décidé à devenir médecin. Cette année marque donc le départ d’un très long marathon, puisque mes études médicales se termineront en 1985. Heureusement, à 13 ans, on ne mesure pas le temps de la même façon. Mais ma détermination n’a jamais faibli. Sans oublier l’aide et les encouragements constants que ma femme va m’apporter tout au long de mon parcours.
1975 :
je rencontre mon épouse. Elle m’a toujours aidé à réviser mes examens, elle vérifiait si je ne me trompais pas quand je lui récitais mes cours. Ensemble, nous avons aussi consacré du temps à fabriquer nos enfants, nés en 1983 et 1986. Un garçon, puis une fille. Être parent est tout sauf un long fleuve tranquille. Mais c’est tellement émouvant : leur transmettre la vie et aussi les valeurs qui nous animent, tout un programme ! Père et médecin, deux rôles qui n’ont pas toujours été faciles à concilier. Le métier est exigeant, et nous avons tendance à investir trop l’un au dépend de l’autre. Mais ma femme veillait au grain et savait me rappeler à mes devoirs paternels. J’étais médecin de protection maternelle et infantile (PMI). En consultation de PMI, nous accueillons des bébés et leurs parents. J’ai consacré ma carrière médicale à prendre soin des enfants et de leurs parents, quelle que soit leur origine culturelle. J’ai soigné des enfants venus d’Asie, du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, de Turquie, d’Europe du sud ou de l’Est, et j’en oublie sûrement. J’ai donc été confronté à la diversité culturelle, aspect de mon travail qui m’a enrichi et que j’ai beaucoup apprécié. J’ai ainsi appris progressivement à me décaler de mes représentations culturelles, non sans efforts dans certaines situations cliniques, pour mieux me rapprocher d’une compréhension de l’universalité de notre condition humaine, intégrant les différences comme des richesses et non comme des menaces.
1992 :
pour parfaire mes connaissances et mes compétences, j’ai obtenu le diplôme universitaire de » psycho-pathologie du nourrisson » ; diplôme dispensé par les professeurs Mazet et Lebovici, pédo-psychiatres. Fort de ces nouvelles compétences, nous avons créé, avec le médecin chef de la maternité de Corbeil-Essonne, un staff médico-psycho-social. Il avait pour finalité de prévenir les situations de grande fragilité parentale, afin de sécuriser au mieux les conditions de la naissance des bébés. Ayant gagné en expérience professionnelle, j’ai consacré mon énergie à protéger aussi les femmes et les enfants des violences intra-familiales, en tant que médecin responsable du suivi de la santé des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Pour ce faire, j’ai complété ma formation médicale d’une formation de cinq ans en thérapie familiale.
2012 :
je deviens membre du Conseil scientifique du réseau “ Périnat IF Sud ” (de l’Ile de France). Je pilote un groupe thématique de lutte contre les violences faites aux femmes, depuis dix ans, avec des collègues médecins et sages-femmes. À chacune de ces étapes, j’ai toujours travaillé en équipe, entouré de médecins, sages-femmes, puéricultrices, infirmières, auxiliaires de puériculture, éducatrices de jeunes enfants, psychologues, conseillères conjugales et agents administratifs. Je les salue au passage et leur rend hommage pour la confiance qu’elles m’ont accordée.
Depuis 2011 :
notre vie familiale a changé. La famille s’est agrandie de cinq chevaux et deux poneys. Mon épouse est monitrice accompagnatrice de tourisme équestre (MATE). Ensemble, nous avons créé une association » Les Attelages du Gâtinais « . Nous proposons des promenades familiales et des évènements en attelage pour les mariages, les anniversaires, les fêtes municipales, le Téléthon, (etc…).
Depuis 2021 :
le temps de la retraite est venu. Ainsi, j’ai désormais plus de disponibilité pour jouer avec nos petits enfants, et partager avec eux notre passion pour les chevaux. Je continue également à assurer deux consultations de PMI par semaine. Je suis toujours engagé au réseau “ Périnat IF Sud ”, pour développer des actions de protection des femmes et des enfants. Je suis également membre d’un groupe éthique dans le Sud-Essonne. Le groupe donne des avis éthiques, à la demande de soignants de personnes âgées ou d’adultes handicapés, quand ils sont confrontés à des problèmes éthiques.
2022 :
j’ai rejoint l’équipe de Hors-Normes, à l’invitation de Charlotte. Comme une évidence, dans la continuité de mes expériences de vie familiale et professionnelle. Non sans difficultés, car je dois apprendre à composer avec les nouvelles techniques de communication, les ordinateurs et les réseaux sociaux. Une culture nouvelle qui me perturbe et vis-à-vis de laquelle j’ai beaucoup de réticences. Effets générationnels… Voilà qui résume en quelques lignes, une histoire simple. Être hors normes ? Je ne sais pas. Je vous laisse en juger. Être “ transfuge de classe ”, peut-être. J’ai découvert ce terme récemment. Comme quoi, on en apprend à tout âge. Gravir de nombreux barreaux de l’échelle sociale en une seule génération, il paraît que ce n’est plus possible aujourd’hui, car les inégalités sociales se sont aggravées. Alors, peut-être ai-je joué de chance, de courage, et du soutien de mon entourage familial. Maintenant “Papy-boomer ”, je suis arrivé à l’âge de transmettre. Me voici donc : “ Doc Hors-Normes ” à votre service ! Retrouvez vendredi, le témoignage hors norme d’un autre membre de notre équipe, Saïma.