L'épreuve qui m’a façonnée ! - Hors-Normes
Une femme résilience

L’épreuve qui m’a façonnée !

écrit par Ambre

Bienvenue au cœur de mon histoire, celle qui fait de moi qui je suis aujourd’hui.

Le terrible appel

En cette journée du 25 juin 1995, j’ai sept ans, je suis chez moi avec mes parents et ma petite sœur de trois ans, bref nous passons un week-end en famille tout à fait normal.

Papa, prothésiste dentaire, est appelé par son collaborateur, car une inondation survient sur son lieu de travail. Ni une ni deux, il enfile un jean, prend sa moto et file sur place. Là encore, rien d’anormal, il est indépendant, il travaille beaucoup, donc cela ne nous surprend pas vraiment.

Quelques heures après, Maman reçoit ce terrible appel… Au bout du fil, la police lui annonce que Papa a eu un grave accident de moto : il est entre la vie et la mort. Le Samu le prend en charge pour le conduire au plus vite dans un service de réanimation à l’autre bout de l’Île-de-France.

Du haut de mes sept ans, je ne comprends pas tout. Je vois Maman se décomposer, se mettre à pleurer et à répondre à tout un tas de questions. Je n’ose pas imaginer dans quel état elle doit être… Elle m’explique rapidement que Papa a eu un accident de moto, que c’est grave, que Mamie va venir nous garder afin qu’elle aille à l’hôpital. 

À partir de ce moment, c’est pour moi assez flou dans ma tête, je n’en garde que de vagues souvenirs. Le reste de la journée a été comme effacé de mon esprit, peut-être pour mieux me protéger.

L’attente insupportable

Puis vient une longue période d’attente, nos souffles sont coupés, nos vies sont en pause, Papa est dans le coma, depuis plusieurs semaines déjà. Maman se raccroche aux discours des médecins qui ne sont pas très bons : après la “phase critique ” viennent les “ séquelles irréversibles ”, le “ handicap ”, ou encore le “ Il ne sera jamais plus comme avant ”…

Pendant toute cette période, Maman passe beaucoup de temps à l’hôpital, on est souvent avec Mamie, ou chez Tonton et Tata. Nos vies d’enfants continuent. Nous n’avons pas le droit de voir Papa, le service de réanimation est interdit aux enfants et son état est trop critique.

Maman est épuisée, je le vois bien, elle pleure beaucoup, elle essaye de nous expliquer la situation sans trop nous affoler, et de tenir le coup pour nous.

Les retrouvailles attendues 

Contre toute attente, Papa sort du coma, récupère petit à petit, mais le chemin est long et plus rien ne sera comme avant…

Après la réanimation, le service de chirurgie, le voilà transféré dans un service de rééducation. Cela sonne enfin nos retrouvailles après de longs mois sans le voir. Cet hôpital et ces services de rééducation vont devenir un peu comme une deuxième maison : on y passe presque tous nos week-ends, nous avons nos petites habitudes, les infirmières nous connaissent bien, Maman a même lié des amitiés avec certaines d’entre elles. Cela me fait plaisir de la revoir sourire après toutes ces épreuves.

Cet univers si particulier de l’hôpital nous est tellement familier que nous ne faisons absolument plus attention aux fauteuils roulants, aux perfusions ou encore aux trachéotomies. Pour nous, rien de plus normal ! Tellement normal, que nous courons dans les couloirs, rions trop fort, ou jouons dans le poste de soins des infirmières. Des moments de vie dans un lieu chargé de douleurs et de souffrances, voilà une partie de mon enfance. 

La colère de l’inacceptable 

Je grandis, me voici adolescente, cette phase difficile où l’on se pose beaucoup de questions sur nous, sur le monde. Le regard des autres est difficile à porter. Avoir un papa différent, comment l’exprimer ?

Je suis en colère. Mais contre qui ? Je ne sais pas. L’Univers peut être ! Je ne trouve pas de réponses à toutes ces questions : pourquoi nous ? Pourquoi lui, champion de course de moto et pilote aguerri ? Pourquoi nos vies continuent, et la sienne, est-elle si douloureuse ? Pourquoi avoir tenté le tout pour le tout, pour autant de souffrances ? Pourquoi…

C’est dur, mais Maman est très présente, elle essaye de répondre du mieux qu’elle le peut, tout en me protégeant. Je vois bien qu’elle n’a pas toutes les réponses non plus, qu’une part de ce que nous traversons lui échappe.

L’acceptation du “ pourquoi ”

Je suis maintenant jeune adulte, et devinez un peu le métier que j’ai choisi ? Infirmière en réanimation ! 

Je vais mieux, je n’ai pas trouvé toutes les réponses à “ mes pourquoi ”, je me guéris en prenant soin des autres à mon tour. J’essaye de trouver les mots justes et réconfortants aux situations dramatiques. Pas simple tous les jours, mais je trouve un sens à tout cela.

Papa est, et sera, lourdement handicapé, jusqu’à la fin de sa vie. Je ne peux rien faire mis à part prendre une revanche et vivre encore plus fort chaque instant.

Cet accident m’a forgée : fragile et forte à la fois, souriante et croquant la vie à pleines dents, je ne veux pas m’attarder sur des détails futiles, car la vie peut s’arrêter du jour au lendemain. Je fais en sorte de réaliser mes rêves et ceux de ma famille.

Carpe Diem, la vie est belle !

Merci à l’équipe d’Hors-Normes de m’avoir proposé de témoigner. J’ai longuement hésité, j’ai pris le temps avant de prendre ma plume. Pas simple de mettre des mots sur mes maux, je voulais trouver les mots justes qui pourraient résonner chez d’autres personnes. Si cela est le cas, ma porte est toujours ouverte pour échanger ou juste t’écouter.

Si tu souhaites entrer en contact avec Ambre, fais-nous signe.



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