Je vous présente un nouveau “Destin de résilience”, celui de Primo Levi, déporté pendant la Seconde Guerre mondiale. Primo Levi est né en 1919 à Turin, où il est mort en 1987. Il était docteur en chimie et il est devenu écrivain comme vous le comprendrez en lisant la suite.
Aussi, je vous propose de lire ou relire un de ses textes, extrait de son livre “Si c’est un homme”. Dans la dernière partie du livre, qu’il a nommé “Appendice”, il répond à la question suivante : “Que seriez-vous aujourd’hui si vous n’aviez pas été prisonnier dans un camp de concentration ? Qu’éprouvez-vous lorsque vous vous remémorez cette période ? À quels facteurs attribuez-vous le fait d’être encore en vie ?”
Voici un extrait de sa réponse :
“Je puis affirmer une chose, c’est que si je n’avais pas vécu l’épisode d’Auschwitz, je n’aurais probablement jamais écrit…
Ce fut l’expérience du camp de concentration qui m’obligea à écrire : je n’ai pas eu à combattre la paresse, les problèmes de style me semblaient ridicules, j’ai trouvé miraculeusement le temps d’écrire sans avoir à empiéter ne fut-ce qu’une heure sur mon travail quotidien ; ce livre, c’est l’impression que j’avais, était déjà tout prêt dans ma tête…
J’hésite à le dire, car je ne voudrais pas passer pour un cynique, mais lorsqu’il m’arrive aujourd’hui de penser au camp, je ne ressens aucune émotion violente ou pénible.
Au contraire : à ma brève et tragique expérience de déporté, s’est superposée celle d’écrivain-témoin, bien plus longue, et le bilan est nettement positif ; au total, ce passé m’a intérieurement enrichi et affermi. Une de mes amies, déportée toute jeune au camp de concentration pour femmes de Ravensbrück, assure que le camp a été son université ; je crois, pour ma part, que je pourrais en dire autant, et qu’en vivant, puis en écrivant et en méditant cette expérience, j’ai beaucoup appris sur les hommes et sur le monde…
Le fait que je sois encore vivant et que je sois revenu indemne tient surtout, selon moi, à la chance…
Peut-être ai-je trouvé un soutien dans mon intérêt jamais démenti pour l’âme humaine, et dans la volonté non seulement de survivre (c’était là l’objectif de beaucoup d’entre nous), mais de survivre dans le but précis de raconter les choses auxquelles nous avions assisté et que nous avions subies.
Enfin, ce qui a peut-être également joué, c’est la volonté que j’ai tenacement conservée, même aux heures les plus sombres, de toujours voir, en mes camarades et en moi-même, des hommes et NON des CHOSES, et d’éviter ainsi cette humiliation, cette démoralisation totale qui pour beaucoup aboutit au naufrage spirituel.”
Des millions de victimes de cette funeste période de l’histoire du 20e siècle, l’extermination des Juifs, des tziganes, des communistes, des opposants politiques au régime nazi, n’ont pas eu la chance de survivre et d’écrire. Cet article est dédié à leur mémoire.
Ceux et celles qui en sont revenu-es ont longtemps gardé le silence, par pudeur, par honte, par désespoir de ne pas être cru, tant ces horreurs étaient impensables. Ils ont dû revenir de ce temps et de cet espace de déshumanisation. Ceux et celles qui en ont pris soin à leur retour dans un monde civilisé, leur ont donné la main pour les ré-humaniser. Ces personnes étaient tuteurs de résilience.
Je reprendrai des éléments de ce texte dans un prochain article, “La résilience : l’affaire de tous”, dans lequel je vous préciserai alors le choix du destin de Primo Levi.
Votre destin de résilience
Si vous avez traversé des épreuves extrêmes, tels que des accidents, des catastrophes naturelles, des attentats ou vécu des situations de guerre, nous vous invitons, si vous le souhaitez, à en témoigner, que vous étiez victimes ou soignant auprès des victimes. Nous accueillons votre histoire avec beaucoup de délicatesse et de bienveillance chez Hors-Normes.