Il me paraissait évident qu’il existait une manière féminine d’entreprendre, une vision typiquement féminine, des émotions que seules les femmes ressentaient, une manière de faire au féminin qui nous différencie du masculin.
Cependant, plus je côtoie d’entrepreneurs, femmes et hommes, plus je me rends compte qu’il y a un chemin personnel, fait de hauts et de bas, d’images que l’on a sur l’entreprenariat, de loupés et de réussites. Ainsi qu’une confiance en soi qui se tisse progressivement.
Entreprendre, une aventure
Ce que je retiens de mon parcours d’entrepreneure, c’est que c’est avant tout, une aventure, l’aventure d’être soi.
Pour moi, l’aventure a consisté en premier lieu à quitter la fonction publique après vingt ans de bons et loyaux services, alors que rien ne m’avait destinée à devenir entrepreneure.
Issue d’une famille de fonctionnaires, de profs et d’enseignants, j’ai logiquement intégré l’administration après mes études. Puis j’ai enchaîné une carrière de cadre A, gravi des échelons et obtenu des postes à responsabilités. Mon chemin était une sorte de “ sans-faute ”.
Alors le jour où j’ai démissionné à 45 ans (début 2019), sans possibilité de retour, pour me lancer en libéral dans un métier que je venais de découvrir et pour lequel je me formais encore, cela a été un véritable tremblement de terre.
Incompréhension totale de la part de mes proches, à savoir de ma famille, mes collègues, mes amis (du moins ceux issus de la fonction publique) : “ Quoi ? Tu vas faire de la relaxation ? Du reiki ? Du traitement énergétique des allergies ? …”. Cela revenait à dire que “ j’étais dingue, je n’étais pas sérieuse, je faisais une crise de la quarantaine et il était urgent que je me ressaisisse ”.
Mais pour moi, à ce moment-là, c’était devenu une évidence. J’avais besoin de liberté, de changement, de sens. J’avais toujours adoré mes métiers, alors le jour où la passion est partie, il était impossible pour moi d’envisager encore 25 ans de routine.
La grosse peur du début
Au début de ce chemin, absolument tout était nouveau. Je n’avais pas d’expérience dans mon métier, je me formais encore, je ne savais pas ce que voulait dire être cheffe d’entreprise, je ne savais pas communiquer, ni encore moins me vendre. Je me suis sentie incompétente. Je n’osais même pas parler de mon domaine de travail, ni encore moins me présenter. Je vivais dans une peur permanente. Bref, j’avais l’impression d’affronter une mer agitée à bord d’un pédalo.
J’ai d’abord beaucoup procrastiné. Des jours, des semaines à ne rien faire, à flipper, à démarrer des trucs et à ne pas les finir. J’avais la trouille au ventre. Je me croyais rationnelle, posée, efficace. Je me suis découverte intuitive, impulsive, travaillant par bonds et me cachant le reste du temps.
Puis j’ai appris à me refaire confiance : “ Je n’arrive pas à planifier mon développement d’activité ? Ok, je planifie juste la semaine. Je fais les trucs à l’instinct ? Et bien tant mieux ! Si ça marche, c’est validé et sinon, je fais autre chose ”.
C’est comme ça que j’ai monté un dossier pour entrer en couveuse d’entreprise à deux jours de la clôture des inscriptions.
C’est comme ça aussi que j’ai pris une sous-location chez mon ostéopathe pour commencer mon activité, avec des horaires bringuebalants. Eh bien, soit ! Le premier mois, je l’ai loué à perte, zéro client. Le mois suivant, deux clients, j’avais presque rentabilisé. Le troisième, j’étais lancée.
C’est comme ça également que j’ai confié mon site internet à une personne que j’avais rencontrée deux jours plus tôt, lors d’une conférence. Elle m’a permis de faire une avancée de folie et de rencontrer tout un réseau d’entrepreneurs en or, qui est aujourd’hui un véritable soutien.
La rupture
Il y a eu au début de mon chemin d’entrepreneure une grosse crise dans mon couple. Car il m’était impossible de partager avec mon compagnon, le père de ma fille, mon enthousiasme à propos de mon nouveau domaine d’activité. Autant vous dire que pour le soutien, je pouvais repasser…
Alors je suis partie. J’ai même vécu une passion ailleurs pendant quelques mois. Le vent de liberté soufflait jusque-là. Finalement, je suis revenue. La communication s’est rouverte. Nous avons retissé petit à petit les fils de notre histoire.
Mon compagnon n’est pas devenu mon premier soutien, il n’aime toujours pas la relaxation (même s’il en aurait bien besoin, mais ce n’est que mon avis, rire). Mais il me soutient quand j’en ai besoin, il assure l’équilibre financier de notre foyer, il ne remet pas en question mes décisions et ne me met pas la pression.
Bref, il m’offre, à sa manière, l’espace dont j’ai besoin pour me développer et devenir autonome, réaliser mes propres choix. Je lui en suis infiniment reconnaissante.
Les hauts et les bas permanents
Des hauts, il y en a eu et il y en a beaucoup : quand j’accueille ma première cliente, quand je publie mon site internet, quand j’immatricule mon entreprise, quand mon chiffre d’affaires commence à décoller, quand je fais une super séance ou un super atelier, quand je noue un partenariat, quand j’obtiens un client par le bouche-à-oreille, quand je m’offre un super week-end avec des collègues entrepreneurs, quand je gère mon temps comme je le veux, ce qui me procure une énorme liberté au quotidien.
Des bas, il y en a aussi : quand je vois mon chiffre d’affaires diminuer, quand des clients annulent au dernier moment, quand personne ne vient à un atelier, quand je ne me trouve ‘ pas bonne ’ sur une séance, quand je n’ai pas d’inspiration pour communiquer, quand j’obtiens zéro commentaire sur un article que j’ai mis trois heures à écrire.
Les doutes
Les occasions qui me poussent à me remettre en question au quotidien sont multiples. La volonté pressante de réussir et de gagner ma vie rend les choses sans aucun doute encore un peu plus aiguës. Étant moi-même perfectionniste, des petites déconvenues qui seraient anodines en temps normal, peuvent ouvrir la boîte de Pandore et mener à d’énormes moments de doute : “ Suis-je capable ? Suis-je suffisamment bonne ? Ai-je pris les bonnes décisions ? Suis-je digne de gagner de l’argent ? Vais-je réussir ? ”.
Ces moments de doute ont été plus forts au démarrage. Le syndrome de l’imposteur bien connu des entrepreneurs diminue au fur et à mesure que l’activité devient régulière et que les compétences se solidifient. Mais il repointe régulièrement le bout de son nez. Quand j’étais salariée, je pouvais toujours attribuer mon mécontentement à des résultats pas satisfaisants, aux autres : le N+1, les décisions prises ailleurs. La grande différence aujourd’hui réside dans le fait que cette responsabilité demeure la mienne et que si je ne suis pas satisfaite, je ne peux m’en prendre qu’à moi.
Alors dans ce parcours, j’apprends à me faire confiance, à être moins dure envers moi-même, à souligner chaque jour les points positifs, à accepter les imprévus, à vivre le temps présent sans tenter de contrôler le futur… Pas si simple !
Les apprentissages
Je crois que ce qui rend ce chemin aussi incroyable, aussi vivant et vibrant, c’est que, en permanence, je me lance de nouveaux défis, je me confronte à mes peurs et j’apprends de nouvelles choses.
Lorsque je discute avec d’anciens collègues, j’ai l’impression d’être partie il y a un siècle et d’avoir totalement changé ma manière de voir les choses. Comme si je vivais une autre vie qui me permet de me poser les bonnes questions : “ Qui suis-je ? Qu’ai-je envie de faire dans ma vie ? Que puis-je léguer au monde, ou plus simplement à mes clients ? Comment puis-je m’améliorer chaque jour ? Comment oser être moi-même ? ”.
L’art d’avancer
J’ai appris “ l’art d’avancer ” : à tomber et à me relever, à agir même si ce n’est pas parfait, à démarrer des choses en vrac et à m’améliorer chemin faisant. Mais également à accepter les imprévus, à persévérer malgré les plantages. C’est encore parfois compliqué, mais je sais que chaque fois que j’ose quelque chose de nouveau, je suis récompensée.
Je me suis progressivement de plus en plus fié à mon instinct, mon intuition. Au départ, mon instinct était en lutte contre mon côté rationnel, mais aujourd’hui, les deux s’équilibrent.
Je sais rencontrer les bonnes personnes. Mais aussi, parfois, me tromper sur les personnes, tout en continuant à faire confiance aux rencontres.
L’art d’être soi
J’ai petit à petit appris “ l’art d’être moi-même ” : avec mes envies, mon énergie, ce que je sais faire et ce que je ne sais pas faire, mon côté féminin et mon côté masculin. J’aime les chats, les câlins aux arbres, les dessins colorés. J’ai adopté deux moutons et je construis moi-même une yourte pour accueillir des sessions et des stages.
Je ne fais pas de la relaxation pour que les gens soient détendus (même si c’est chouette parfois d’être détendu). Je le fais pour qu’ils prennent de la hauteur sur leur chemin, qu’ils puissent passer des caps compliqués, qu’ils se libèrent, qu’ils découvrent de nouvelles ressources en eux et qu’ils deviennent vraiment eux-mêmes. Ça, c’est ce qui me motive, et je crois que c’est mon art aujourd’hui !
L’entreprenariat, un chemin qui vaut de l’or
À l’heure où j’écris, tout n’est pas réglé, loin de là. En ce moment par exemple, j’ai rouvert mon dossier “ retraite ” et c’est un peu flippant car j’ai un problème avec un bien immobilier. De plus, je gagne toujours moins qu’à ma sortie de l’administration.
En revanche, j’ai l’impression d’avoir fait des bonds immenses en développement personnel, en confiance en moi, en nouvelles ressources, en apprentissages et en sagesse. Je me connais. Je sais que je peux affronter des défis. Je sais que je peux apprendre. Ma curiosité, ma motivation, mon envie d’avancer grandissent chaque jour davantage. Bref, j’ai comme trouvé ce deuxième sens à ma vie et il vaut tout l’or du monde.
À vous de juger si ce parcours est typiquement féminin. En tout cas, personnellement, si je devais le refaire et sortir à nouveau de l’administration, je le referais les yeux fermés.
Si toi aussi tu as envie de parler de ton parcours dans l’entreprenariat, n’hésites pas à nous envoyer ton témoignage !