Culpabilité témoin de notre humanité - Hors-Normes
Un gros livre sur lequel est noté coupable en lettre qui ressemblent à des des

La culpabilité, témoin de notre humanité

écrit par Docteur Cleray Xavier

L’article du jour aborde le sujet de la culpabilité, en écho à celui de Charlotte intitulé  » La culpabilité d’une maman « . Afin de vous donner des pistes de réflexion, je vous donnerais des exemples précis de moments où l’on peut ressentir de la culpabilité dans sa vie. Mais avant cela, il me faut revenir sur les sens du mot “ culpabilité ” car, en effet, il en recouvre deux : un sens juridique et un sens psychologique.

 

Dans son sens juridique, la culpabilité fait référence à l’état d’une personne coupable d’un délit ou d’un crime. Alors que dans son sens psychologique, la culpabilité fait référence au sentiment douloureux et normal qu’éprouve une personne à la suite d’une faute réellement commise dont elle se sent coupable et responsable parce qu’elle représente la transgression d’une valeur intériorisée comme valable. L’article de Charlotte illustre la dimension psychologique de la culpabilité. 

 

La dimension juridique de la culpabilité 

 

Dans la longue histoire de notre humanité et la diversité des civilisations, la culpabilité a toujours été présente. Elle a pris des formes très variées. Ce qui a une époque était toléré dans les us et les coutumes, voire encouragé, est devenu un crime à d’autres époques. Par exemple, les sacrifices humains pratiqués dans certaines civilisations comme celle des Incas, sont considérés comme des crimes aujourd’hui.

 

La culpabilité est donc variable selon les époques et les sociétés, mais elle se réfère toujours à un système de valeurs partagées par les hommes et les femmes qui la composent. Ces valeurs sont lisibles dans les mythes originaires des civilisations, et nous ont été léguées par les générations précédentes. Elles sont donc évolutives et nous espérons qu’elles permettent d’améliorer notre  vivre ensemble. Ces valeurs s’inscrivent dans les lois qui définissent ce qui est interdit et autorisé. La création de la Cour pénale internationale répond à cette recherche d’amélioration de notre humanité, en poursuivant les auteurs de crimes contre l’humanité.

 

La dimension psychologique de la culpabilité 

 

Après ces quelques exemples qui concernent la dimension juridique de la culpabilité, revenons à sa dimension psychologique.

 

L’éducation que nous avons reçue nous a permis, dans le meilleur des cas, d’intérioriser des valeurs qui nous portent à respecter les autres, nous faire respecter et ne pas nuire à autrui, qu’il soit proche de nous ou plus éloigné. L’histoire montre qu’il n’en va pas toujours ainsi, malheureusement. Par exemple, les enfants nés sous le régime nazi étaient endoctrinés par des parents et éducateurs criminels dont les desseins étaient cruels. Ces criminels n’avaient pas intériorisé l’interdit du meurtre, laissant libre cours à leur sadisme, ils ne ressentaient aucune culpabilité, mais jouissaient de l’assouvissement de leurs pulsions sadiques.

 

La façon dont nous intériorisons les valeurs morales nécessaires au vivre ensemble dans le respect d’autrui et la paix des relations sociales, dépend donc du contexte familial et sociétal dans lequel nous avons grandi. Et pas seulement par de belles déclarations d’intention, mais surtout par le savoir-être des parents et éducateurs qui nous entouraient.

 

La culpabilité va émerger quand nous prenons conscience que nous transgressons des valeurs qui nous portent à nous respecter et à respecter les autres. Elle est nécessaire et nous protège de débordements pulsionnels qui pourraient nous conduire à des passages à l’acte dangereux pour nous et pour autrui. Nécessaire, mais point trop n’en faut. Si elle est excessive, débordante, envahissante, elle nous pousse du côté du sacrifice et alors elle devient une ennemie plutôt qu’une alliée.

 

La culpabilité, marqueur de notre subjectivité humaine 

 

La culpabilité ne peut être rationalisée. Si elle nous fait défaut, elle nous expose à des passages à l’acte qui peuvent nous conduire en prison. Si elle nous déborde, elle nous empêche d’agir pour le bien d’autrui et nous menace de sombrer dans les eaux troubles de la dépression. Savant dosage dont la maîtrise est difficile.

 

La culpabilité chez les mamans 

 

La culpabilité peut surgir au moment où l’on s’y attend le moins. Comme par exemple dans des circonstances de stress cumulées. C’est ce qui est arrivé à Charlotte. Elle se sentait coincée entre les exigences de la maternité et de ses responsabilités professionnelles, deux réalités cumulées porteuses de stress. 

 

Chez les mamans, le sentiment de culpabilité est très répandu. Il touche aux subtilités qui tissent les liens conscients et inconscients entre la mère et son bébé. La culpabilité se trouve exacerbée au moment des séparations, comme le rappelle Charlotte. Il suffit d’observer le jour de la première rentrée scolaire en école maternelle pour s’en convaincre. 

 

La culpabilité lors de la perte d’un être cher 

 

La profondeur des liens qui nous unissent se mesure à la culpabilité que nous ressentons quand nous perdons un être aimé, parent, enfant, conjoint ou ami. Elle prend la forme de remords : “ j’aurai dû mieux le soutenir ” ; “ je n’ai pas pu le retenir dans la vie, auprès de moi ”; “ je ne lui ai pas témoigné suffisamment d’amour ou d’amitié ”. 

 

Ces regrets et remords, sont-ils évitables ? Peu probable, car ils viennent nous perturber dans l’après-coup de la perte, dans la période de deuil, moment de souffrance psychologique inévitable. La culpabilité, si nous réussissons à l’écouter avec un peu de sérénité, nous apprend à mieux vivre  » l’ici et maintenant  » de nos relations familiales et amicales. Des proches en qui nous avons confiance, des professionnels de l’écoute et du soin psychologique, peuvent nous soutenir dans ce difficile exercice.

 

La culpabilité héritée de nos aïeux 

 

Nous recevons également de la culpabilité héritée des générations précédentes, par des transmissions inconscientes ou tenues secrètes. Par exemple, des familles anglaises et françaises ont découvert récemment, en consultant des archives familiales cachées, que leurs richesses familiales avaient été acquises par le commerce triangulaire des esclaves ou par leur emploi dans les plantations des caraïbes. Choqués par ces révélations, ils ont décidé de présenter des excuses publiques aux descendants de ces esclaves. Une manière d’exprimer leurs excuses, de soulager la culpabilité ressentie, en leur proposant des aides matérielles concrètes.

 

Cet exemple m’évoque le concept de  » la culpabilité de la victime innocente « , développé par Moussa Nabati*, psycho-thérapeute et psychanalyste. Devenus adultes, l’enfant qui est en nous, peut continuer à ressentir cette culpabilité et le conduire sur les chemins de la dépression.

 

Les enfants sont dotés d’une sensibilité qui leur permet de percevoir des émotions avant même qu’elles s’expriment par des pleurs ou des hurlements. Ils sont ainsi exposés à capter des mouvements émotionnels que les adultes tentent de leur cacher.

 

En grandissant, progressivement conscients des interdits et des transgressions, et exposés aux mal-êtres des adultes qui les entourent, ils prennent à leur compte des fautes qu’ils n’ont pas commises. Face à leur père accablé par la perte de son emploi, ils pensent qu’ils ont fait une bêtise qui attriste leur père, si le traumatisme provoqué par la rupture d’emploi ne lui est pas expliqué. Ce non-dit, comme beaucoup d’autres, va être intériorisé par l’enfant et alimenté la culpabilité de la victime innocente.

 

La culpabilité, un sentiment humain 

 

La culpabilité est un sentiment qui nous humanise, elle est nécessaire pour limiter nos élans pulsionnels, qui peuvent s’avérer dangereux pour nous-mêmes et pour autrui. Son intensité est, quant à elle, liée à notre vécu familial et social.

 

Si ce thème vous touche et vous inspire des réflexions, nous vous invitons à témoigner de votre vécu, des circonstances où la culpabilité vous a aidé à des prises de conscience. Si elle a été tellement envahissante que vous vous êtes sentie submergée, cela pourrait vous soulager d’écrire sur le sujet. Où avez-vous trouvé alors des personnes qui vous ont permis de vous dégager de votre mal-être ?

*  Lectures de Moussa Nabati, psychanalyste, thérapeute et chercheur, que je vous recommande:  » Guérir son enfant intérieur « , » Comme un vide en moi « , » Le bonheur d’être soi  » aux Éditions Le livre de poche.

Envie de temoigner

Je témoigne