Je m’appelle Sophie, j’ai trente-trois ans, et j’ai vécu une grande partie de ma vie avec une personne dépressive, ma maman.
Du plus loin que je me souvienne, c’est-à-dire mes sept ou huit ans, ma maman a toujours présenté des signes de dépression. Chose qu’on ne comprend pas à ce si jeune âge.
Je me rappelle d’une journée en particulier, un retour d’école. C’était le 10 janvier, jour de mon anniversaire. Ma maman m’a annoncé devoir aller « dans un endroit pour se soigner ». Je ne savais pas qu’à partir de ce moment-là, ce serait des allers et retours constants, pendant des années, dans cet endroit, puis dans un autre…
Les traitements lourds contre la dépression
Je me souviens aussi de ces fois où ma maman n’était même plus capable de nous parler, de nous reconnaître, à cause des traitements très forts qu’ils lui administraient.
Les électrochocs
Et puis, il y a eu ce moment, vraiment très marquant, choquant, qui me trouble encore aujourd’hui. Je revois ma maman, ayant reçu un traitement par électrochocs. Elle était incapable de nous parler. Ma petite sœur devait avoir environ quatre ans. Mon papa nous a emmené dans un restaurant rapide pour nous changer les idées, nous consoler. Mais nous avons été malades toutes les deux après cet évènement.
Les visites à la clinique
Mon papa nous a toujours emmené voir notre maman dans cette clinique, qui faisait peur, remplie de gens « étranges ». Oui elle faisait peur pour des petites filles si jeunes. Avec du recul, lui comme nous, pensons qu’il aurait peut-être fallu éviter ce lieu. Mais il ne voulait que le bien de sa femme et de ses filles. Il ne souhaitait pas couper le lien entre nous toutes. Il pensait faire bien, en somme.
Les pompiers à la maison
Les mois se succédaient entre hospitalisation et permission de rentrer à la maison, puis rebelotte. À plusieurs reprises, ma maman a fait des bêtises. Les pompiers ont dû venir la chercher à la maison. Nous les avons vu emmener notre maman avec eux. Ce sont des moments très difficiles à surmonter, qui déclenchent encore aujourd’hui de vives émotions.
L’impact de la dépression sur nos vies
Nous étions si petites, et notre papa, si seul, face à cela. À cette époque, j’en voulais à la terre entière. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait, ma sœur non plus d’ailleurs. Nous pensions que tout était de notre faute, que peut-être nous n’aurions pas dû naître, que notre maman était malade à cause de nous !
Cela a engendré chez moi quelques soucis à l’âge de l’adolescence. J’ai fait vivre l’enfer à mon papa, mais aussi à ma maman, quand elle était présente. Jusqu’au point de faire les mêmes bêtises que ma maman, pour attirer l’attention sur mon mal être.
Ce n’est que bien des années plus tard, que nous avons réussi à comprendre tout cela. À comprendre la cause de cette maladie et à comprendre son mécanisme.
Puis, est venu le temps où nous avons grandi. Nous avons compris, nous avons tout fait pour aider notre père : tenter de prendre le relais, pour qu’il ne porte pas seul, le fardeau de cette maladie.
Jusqu’à ce que celui-ci craque, après dix-sept ans à jongler avec cette maladie. Un jour, où ma mère avait eu une permission de sortie de sa nouvelle clinique, il lui a annoncé vouloir divorcer.
Le jour où tout a changé pour ma maman
Après la violence de l’annonce, elle réussit, petit à petit, à relever la tête et à se battre contre cette maladie. Avec notre aide, mais aussi avec celle de mon père, qui est toujours resté très très présent pour l’aider au mieux. Nous l’avons accompagnée, visitée, sortie, ramenée. Bref, nous avons fait notre maximum pour qu’elle se relève. Aujourd’hui, cela fait plus de onze ans qu’elle n’est pas retournée en maison de repos et nous sommes très fiers d’elle.
Il arrive encore aujourd’hui qu’il y ait des rechutes, qui nous préoccupent parfois plus que d’autres. Mais elle se bat tous les jours.
La dépression: une maladie qui a rapproché ma famille
Ce que je retiens de ce quotidien que nous avons eu pendant des années, c’est que nous sommes une famille super unie, même si nos parents sont maintenant divorcés. Si un ne va pas bien, tout le monde se bat à ses côtés pour qu’il aille mieux.
C’était une période très difficile, mais nous nous en sommes tous sortis comme des chefs. Ma sœur et moi sommes devenues des femmes très fortes. Nous ne lâchons rien dans notre vie tant personnelle que professionnelle.
La force de notre mère et de notre père, que sont le dialogue et la présence, nous ont forgées.
Je ne dis pas merci à la dépression de notre maman. Mais je remercie les épreuves que nous avons traversées, car grâce à elles, nous sommes qui nous sommes aujourd’hui.
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