Avant de lire cet article, vous pouvez lire ou relire les articles précédents, dédiés au thème de la résilience, et notamment les destins de résilience de “Madame Camara”, de “Primo Levi”, ainsi que “des athlètes paralympiques”. En effet, cet article a pour but de vous expliquer pourquoi j’ai choisi de mettre en avant ces destins, et en quoi la résilience représente l’affaire de tous.
Destins de résilience : le choix des destins présentés
Pourquoi avoir choisi de mettre en lumière ces destins de résilience particuliers ?
Primo Levi
Primo Levi, d’abord, pour les qualités de son témoignage écrit dans son ouvrage : “Si c’est un homme”.
Si l’écriture de ce livre lui a permis de revenir de l’horreur de son passage en camp de concentration nazi, et plus largement lui a ouvert les chemins de l’écriture, elle n’a pas effacé les traces mnésiques du traumatisme de déshumanisation qu’il a subi.
L’écriture lui a permis de revenir à un monde humain, mais ne l’a pas empêché de se suicider en 1987, en se jetant dans la cage d’escalier de son immeuble. Je ne connais pas les motivations de son passage à l’acte. J’imagine seulement que la faille enfouie en lui, séquelle post-traumatique des sévices subis en camp de concentration nazi, se serait brusquement ouverte et l’aurait aspiré vers la mort. Mort qu’il avait réussi à éviter, par son attachement “à toujours voir, en ses camarades et lui-même, des hommes et non des choses, et à éviter cette humiliation, cette déshumanisation totale qui, pour beaucoup, aboutit à un naufrage spirituel.”
J’imagine qu’un fantôme persécuteur, tapis au tréfonds de son psychisme, s’est réveillé et l’a précipité vers ce naufrage spirituel auquel il avait réussi à résister. Tout ceci n’est que supposition invérifiable. Ce qui est vérifiable, en revanche, c’est le projet de destruction de notre humanité, porté par l’organisation nazie, par ceux et celles qui ont participé à cette folle tentative de déshumanisation.
Primo Levi s’est montré résilient en revenant des camps de concentration nazis. Il a réussi à s’accrocher aux valeurs humanistes qu’il avait intériorisées, et il a trouvé en l’écriture, la voie de sa reconstruction. Mais la résilience ne protège pas de tout, et pas éternellement. La profondeur des blessures infligées par ses bourreaux nazis s’est ré-ouverte un jour. Il n’a pu résister à la violence de ses idées suicidaires, tout comme Bruno Bettelheim, psychiatre américain, qui était revenu des camps de concentration et s’est suicidé des années plus tard.
Madame Camara
Le destin de Madame Camara s’apparente, pour sa part, à celui de milliers de personnes migrantes venues d’Afrique, et qui tentent de rejoindre l’Europe pour fuir les violences de guerre. La guerre et ses ravages ayant provoqué la mort de leurs proches.
En vous racontant son histoire, son destin, je ne suis pas tant intéressé par le fait de savoir si Madame Camara est ou sera résiliente. Ce qui m’intéresse davantage est la qualité des soins que nous lui prodiguons pendant sa grossesse, son accouchement et dans les mois qui suivent la naissance de son bébé. Il s’agit de notre champ de responsabilités lorsque nous sommes professionnel-les de protection maternelle et infantile (PMI). Ce champ d’action me suffisait lorsque j’étais en activité, pour Madame Camara, comme pour toutes les familles accueillies en PMI.
Les athlètes paralympiques
La mise en lumière des destins des athlètes paralympiques était, quant à elle, guidée par l’actualité. Ces athlètes ont réussi à s’engager dans la pratique du sport de haut niveau, en ayant accepté les limites liées à leur handicap. Mais aussi à accepter le soutien de leur entourage, des équipes soignantes et de leurs entraîneurs. Leur destin est comme une belle leçon de vie, pas transmissible en l’état, car elle passe par des étapes douloureuses que certaines et certains n’arrivent pas à dépasser.
Le défi de ces athlètes était d’accepter leur corps tel qu’il est, depuis leur naissance ou après un accident. Pour ce faire, d’accepter la main tendue des personnes de leur entourage, pour réussir à continuer à vivre et à concevoir des projets au travers de la pratique du sport.
Leur résilience a été rendue possible, par leur capacité à accepter de l’aide, pour ne pas sombrer dans le désespoir.
Tendre la main à l’autre
Pour conclure temporairement, je reprendrai cette phrase de Primo Levi : “Le fait que je sois toujours vivant et que je sois revenu indemne, tient surtout, selon moi, à la chance”.
Nous pouvons donner un visage et une voix à la chance, quand nous choisissons de regarder les autres comme des humains semblables à nous, et non comme des choses à détruire. Sans attendre de savoir si les gens sont résilients ou non. L’important est de leur tendre la main, d’une façon délicate, qui soit acceptable pour eux. Comme un défi, du côté de la vie.