Un jour, du jour au lendemain, j’ai ressenti une envie viscérale d’avoir un enfant. Oui, on dirait un peu les clichés des téléfilms à l’eau de rose où la nana vit dans une super belle maison, dans un super beau quartier, avec un super beau mec et ne rêve que d’une chose : fonder une famille ! Mais en fait, non… Sauf le beau mec (rire) !
À vrai dire, je n’ai jamais véritablement souhaité avoir d’enfants. À chaque fois que l’on me demandait si j’en voulais, je répondais : “Oui, oui, dans dix ans”. Puis un jour, peu avant mes 25 ans, j’en ai ressenti l’envie à tel point que cela en est devenu une obsession.
Je m’étais déjà beaucoup renseignée sur tous les sujets concernant la grossesse et l’accouchement car je me suis toujours intéressée à la question des femmes, de leurs droits et de leurs envies, qui ont évolué au fil des années.
Étant convaincue que la liberté de la femme n’est pas encore acquise à 100 %, j’ai toujours clamé que ma liberté, elle, devait l’être. C’est en m’interrogeant sur des sujets tels que l’indépendance de la femme et la maternité que j’en suis arrivée à la question de l’allaitement. Hors de question de suivre tous les diktats de la société, qu’ils soient pour ou contre l’allaitement, d’ailleurs.
Bien sûr, chaque sujet, chaque réflexion et chaque choix étaient réfléchis et partagés avec mon conjoint.
Un bébé ? Oui, mais à deux
Beaucoup de questions ont émergé et il y en a une qui a particulièrement dicté un peu tous les choix que j’ai faits au cours de notre parcours de parentalité : c’est le fait que je déteste être le centre de l’attention et que toutes les responsabilités reposent sur moi. Encore plus lors de la venue d’un enfant, car après tout, NOUS SOMMES DEUX À AVOIR FAIT CET ENFANT. Alors nous serions deux, quoi qu’il arrive, et ce, à propos de tous les sujets le concernant.
J’ai donc demandé à chaque médecin de s’adresser autant à moi qu’à mon conjoint. Ce n’est pas parce que je suis une femme et que je porte un enfant que toute la responsabilité de ce choix, réalisé à deux, devrait reposer sur mes seules épaules. Nous avons quatre épaules, autant diviser les charges.
L’allaitement : ni oui, ni non
Au sujet de l’allaitement, mon conjoint et moi étions plutôt dans un entre-deux : ni pour, ni contre. Nous voulions laisser les choses venir, nous laisser le choix tout comme à notre enfant, de voir ce qui était le mieux et ce dont nous avions envie. En fait, avec du recul, je crois que nous voulions aussi surtout éviter de nous mettre une pression supplémentaire. Je ne voulais surtout pas être ce genre de maman qui se met dans tous ses états parce qu’elle n’a pas réussi son allaitement ou parce qu’elle regrette de ne pas l’avoir fait. Je savais déjà qu’il y aurait bien d’autres sujets sur lesquels je me prendrais la tête, je voulais éviter d’en avoir un de plus.
Alors j’ai laissé les choses se faire.
Une belle tétée d’accueil
Une seule chose était certaine : je voulais faire la tétée d’accueil à l’accouchement, pour sentir quel effet cela me procurerait.
Le jour J arrive. Après un accouchement difficile, plein de péripéties, de rebondissements et de doutes, ma fille naît en très bonne santé ! La voilà sur ma poitrine et ce petit être pesant à peine 3 kg se dandine déjà pour trouver mon sein et manger. Ça y est, la tétée d’accueil est arrivée. C’est un beau moment et mes seins décident de bien collaborer. Jusqu’ici tout va bien.
Une montée de lait flemmarde
Puis les jours à la maternité s’écoulent et c’est très difficile. Les douleurs physiques sont extrêmement pénibles à endurer. Mon corps n’a pas supporté tout cela, c’en est trop pour lui, mais ça, c’est un autre sujet. Le fait est qu’une difficulté n’arrive jamais seule et ma montée de lait ne vient pas. Quelle flemmarde celle-là (rire) ! Le problème est que je ne produis pas suffisamment de lait et que ma fille ne reprend pas suffisamment de poids pour sortir de la maternité…
Et là, un gros doute s’installe…
Une équation des plus périlleuses
Alors je ne vous dis pas, moi qui ressens mes émotions x100 000 + la chute d’hormones + le gros doute + pas de montée de lait + ma fille qui ne reprend pas de poids = émotions et confiance en moi à zéro.
Je me dis que “je ne suis pas capable de nourrir ma fille, que c’est une trop grosse responsabilité pour moi et que je ne suis pas assez forte pour avoir autant de responsabilités”. En plus, je n’aime pas cela… du moins dans ma vie perso. Parce que les responsabilités pros, elles, je les adore, allez comprendre pourquoi… Tout cela tourne en boucle dans ma tête, alors que je me suis promis de ne pas en arriver à ce stade. Mais on ne peut pas tout prévoir…
Des soutiens en or
Heureusement, durant toute cette période, je suis très bien accompagnée par mon conjoint, par mon entourage et surtout par l’équipe médicale de la maternité, de véritables pépites. Nous le savons et nous le reconnaissons, nous avons une chance incroyable d’avoir une équipe en or à nos côtés. Malheureusement, ce n’est pas partout et pour tout le monde ainsi. Nous sommes bien d’accord, ce n’est pas normal, mais nous sommes conscients de la chance que nous avons.
Avec l’aide des équipes, nous testons différentes choses. Nous essayons de tirer mon lait pour activer sa production et faire arriver ma montée de lait. Nous donnons quelques biberons de lait à notre fille afin qu’elle reprenne du poids. (Premier biberon donné par papa, il est tellement fier).
Des tétées contraignantes
Une fois sortie de la maternité, ma montée de lait met plusieurs jours à arriver, mais cette flemmarde décide enfin de se pointer (rire). Là, mes seins commencent à bien produire du lait.
L’allaitement devient vite contraignant pour moi. Chaque tétée est si longue. Heureusement que bébé dort plusieurs heures d’affilée, mais cela s’avère sincèrement trop contraignant pour moi.
La régularité et la longueur des tétées m’irritent, c’en est trop : ne rien pouvoir faire durant aussi longtemps et aussi souvent, quel agacement ! Et la nuit… Heureusement que ma petite dort tout de suite dans sa chambre car avec mon sommeil léger et les petits bruits de nourrisson en fond sonore, je n’aurais pas pu dormir. Le plus compliqué, ce sont les nuits, lorsque ma fille tète de 40 à 50 minutes toutes les heures. Alors autant vous dire que 20 minutes de pause et de sommeil, cela rend fou !
Une poitrine “étouffante”
Je rencontre aussi la difficulté d’allaiter avec une très forte poitrine. Ce n’est pas l’aspect le plus dérangeant si ce n’est que je dois tenir mes seins correctement. Lorsque nous avons une position confortable, mes seins lui cachent trop le nez et le visage. Comment vous dire… J’ai très peu envie d’étouffer ma fille sous mes seins !
L’allaitement dure donc un peu plus d’un mois.
Un choix : le biberon
À ce stade, nous commençons à réaliser la transition au biberon et ce, pour plusieurs raisons :
- Premièrement, je commence à en avoir marre, j’ai besoin de retrouver mon indépendance et de pouvoir souffler plus longtemps que quelques heures entre chaque tétée.
- Deuxièmement, nos vacances arrivent et je n’ai pas envie d’avoir toujours ma fille collée à moi pour la nourrir. Je préfère vivre d’autres choses avec elle et la laisser créer des liens avec sa famille. Je souhaite que cela se fasse en passant des moments privilégiés avec les autres membres de sa famille.
- Troisièmement, point essentiel, elle va entrer à la crèche à ses trois mois alors que moi je vais reprendre mon activité d’entrepreneuse. Je ne veux donc pas avoir la contrainte de tirer mon lait, etc.
- Ah, j’allais oublier… Quatrièmement, allaiter me donne tellement, mais alors tellement soif : je dois boire beaucoup d’eau, c’est dingue ! Et en plus, c’est épuisant pour mon corps. L’allaitement demande vraiment beaucoup d’énergie.
Alors la transition se fait naturellement. Elle est plutôt rapide d’ailleurs. Nous commençons par faire un mélange entre tétées et biberons, donc lait maternel et lait infantile, puis en 2 à 3 semaines, elle est nourrie en full biberon de lait industriel. Cela est un réel soulagement pour moi : “Adieu la crevasse au passage” ! J’avoue que l’un de mes seins me faisait un peu souffrir à cause d’une crevasse lors des derniers jours. J’ai bien essayé des bouts de seins, mais ma fille n’arrivait pas à les prendre.
Une production de lait débordante
Cette nouvelle alimentation est très bien acceptée par ma fille. Nous sommes très contents car elle tolère le lait industriel. Toutefois, en ce qui me concerne, j’ai des difficultés pour arrêter ma production de lait. Si ma montée de lait a mis du temps à arriver, par la suite, elle ne veut plus s’arrêter. Super, cette flemmarde a pris le goût de couler à flots (rire) !
Mes seins me gênent car ils sont gorgés de lait. Malgré mon retour de couche et le retour de mes règles plus d’un mois après mon arrêt total de l’allaitement, je produis toujours BEAUCOUP de lait. En accord avec ma sage-femme, je vais à la pharmacie pour prendre quelque chose qui m’aidera à stopper la production. Selon eux, en mélangeant deux prises différentes d’homéopathie, il semble qu’en 24/48 heures c’est terminé tellement c’est radical. Mais, comme d’habitude, avec moi, rien ne se fait normalement : cela met au moins deux semaines. Je ne vous parle pas de la consommation de coussinets d’allaitement que je dois utiliser !
Puis se referme derrière moi, derrière nous, le chapitre de l’allaitement. J’en retiens surtout du beau, une nouvelle expérience très satisfaisante, mais aussi beaucoup de ras-le-bol, certainement dû à ma personnalité.
Bien sûr, c’est mon histoire, ce sera différent pour chacune d’entre vous. Mais voilà ce que j’avais envie de vous raconter sur NOTRE histoire de l’allaitement.
Le point de vue de mon conjoint sur l’allaitement
Avant de terminer mon témoignage, j’aimerais partager avec vous le point de vue du papa, mon conjoint.
Je lui ai expliqué que j’écrivais un témoignage pour Hors-Normes et je lui ai posé quelques questions, voilà un petit résumé de son ressenti.
La première chose qu’il m’a dite, c’est que pour lui, la décision d’allaiter ou pas n’a pas changé grand-chose, si ce n’est qu’il se sentait un peu inutile. Il a passé tout son congé paternité avec cette idée que le besoin principal de sa fille était de manger, donc que je l’allaite. En partant de ce constat-là, il ne l’a pas mal vécu. Il a réussi à créer le lien qu’il voulait avec sa fille parce qu’il prenait le relais sur d’autres soins. Il a joué son rôle de père, pris sa place et il en a profité.
Il a avoué se sentir inutile, surtout la nuit, mais que ce n’était que pour un temps car il pouvait faire une multitude d’autres choses avec elle.
Il savait qu’à un moment donné, notre fille passerait au biberon et qu’à ce moment-là, il aurait aussi la tâche de lui faire prendre ses repas. Manque de bol pour lui, la transmission s’est faite lorsqu’il a repris le travail, après son mois de congé paternité (qu’il trouve, tout comme moi, beaucoup trop court au passage). Étant donné qu’il travaille de nuit, eh bien lorsqu’il fallait donner des biberons, il était absent. Mais il se rattrapait la journée et le week-end.
À la question : « Si c’était à refaire, changerais-tu quelque chose ? » il a répondu que non, tout lui allait. Le fait d’avoir voulu allaiter un peu et de passer au biberon ensuite, était très bien pour lui. Il a aussi reconnu qu’il était satisfait que j’aie allaité au moins un mois pour voir ce que cela faisait, si cela convenait à tout le monde, pour ne pas trop changer pour le bébé. Toutefois, si nous avions donné des biberons dès le début, cela l’aurait satisfait tout autant.
Fin de chapitre.