“800 grammes et quelques centimètres”. Un poids et une taille de naissance que je n’oublierai guère, ceux de mon fils, Domi. Né prématurément à six mois de grossesse, son corps si menu tenait dans la paume de ma main. Oui, dans la seule paume de main, aussi inimaginable que cela puisse paraître. Nous ne savions pas s’il allait survivre… Sa jumelle, aimée et attendue, elle, nous a quittés. Domi, lui, s’est battu, si bien qu’il remporta sa première victoire, celle de la vie sur la mort. Commence alors le début d’un parcours challengeant : apprentissages scolaires difficiles, restructuration familiale, préadolescence, création d’entreprise. Mon fils et moi-même, avons fait face à de multiples épreuves. Mais petit à petit, les munitions ont commencé à me manquer, des sentiments de trop-plein et de ras-le-bol se sont installés. Voici comment j’ai frôlé l’effondrement et le burn-out parental.
La différence, premier combat
Dès la naissance de mon fils, un flou artistique s’est dessiné autour de nous. Domi a bénéficié d’un suivi médical ordinaire à sa venue sur terre, suivi qui fut complété par une batterie de scanners jusqu’à sa rentrée à l’école primaire. En effet, ces examens permirent de vérifier l’état de son développement. Le diagnostic que les docteurs posèrent fut le suivant : “courbe de développement normal, évolution à suivre en observation dans le temps”. Au cours de l’année de moyenne section de maternelle, des échanges avec la maîtresse m’invitent à consulter une neuropédiatre qu’elle recommande. L’examen révèle alors le résultat suivant : troubles “Dys”, donc dysfonctionnels, ainsi que Trouble du Déficit de l’Attention (TDA). En réalité, ces troubles-là sont répertoriés tels des handicaps. Je l’ai compris plus tard, le jour où j’ai constitué le dossier de prise en charge par la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH), afin de bénéficier d’un soutien scolaire. Pour ma part, cette différence de mon fils représente un atout majeur. Oui, il est vrai qu’avec Domi, il faut faire autrement. Il se retrouve parfois freiné par rapport à la norme et il fait face à certaines difficultés. Toutefois, je refuse d’attribuer à mon fils les connotations négatives liées au mot “handicap”. Et puis au fond, que signifie être “normal” ? Et quand bien même il serait hors-norme, alors qu’est-ce que cela peut bien faire ? Ce que pensent les autres et la société, “Eh bien, nous passerons au-dessus”. Je n’ai jamais supporté de mettre les humains dans des cases.
Pour avancer sur le chemin inconnu et nouveau de la différence, aucun mode d’emploi ne m’a été donné et personne ne m’a indiqué les directions à prendre. Avec mon courage sous le bras, je m’en suis allée toquer à de nombreuses portes afin d’offrir à mon fils un accompagnement approprié : psychomotricienne, neuropsychologue, ergothérapeute. J’ai avancé en solo dans cette mission avec des préoccupations parentales perçues par certains comme “un délire”. Soit, cela n’en fut point un !
Pas à pas, une victoire après l’autre
Depuis son jeune âge, nous cheminons pas à pas, avec recul et philosophie : “Observons Domi dans son univers, puis voyons comment il s’adapte et évolue”. De là, nous verrons comment continuer notre route, trouver des alternatives, faire autrement, improviser au jour le jour et se réajuster.
De nature battante, la résilience coule à flot dans mon ADN. En effet, j’ai perdu un enfant, j’ai vécu plusieurs ruptures familiales, j’ai accompagné des proches dans la maladie physique et mentale. Je dis souvent, non sans humour, que je suis issue d’une famille de “canards boiteux”. Je puise d’ailleurs ma force auprès d’elle. Toujours avec cet humour me caractérisant, il me plait de dire que je nous considère, mon fils et moi, comme un duo de superhéros. Oui, Domi est un superhéros, un warrior qui nous a démontré sa détermination et son énorme envie de vivre, dès sa naissance. Je ne lui cache pas mon amour et ma fierté, j’admire sa bravoure. Je suis pour ainsi dire sa fan numéro 1. Je le soutiendrai toujours, peu importe ce qu’il souhaite accomplir comme rêve et devenir. Et moi dans tout cela, il me plait de me percevoir aussi telle une superhéroïne. Non pas comme cette wonderwoman menant tout de front, “famille, foyer, travail”, de manière infaillible et parfaite, mais plutôt comme une héroïne super humaine. C’est-à-dire, une maman qui ne cache point ses larmes, montre à ses enfants comment rebondir, se relève lorsqu’elle touche le sol, cherche et trouve de la force pour reprendre son souffle. Je m’applique aussi à être cette femme et cette mère qui développe ses idées et ses talents, accomplit ses propres rêves et prend du temps pour elle. Le leitmotiv que je partage toujours avec « mes pestouilles » demeure le suivant : “Mes échecs sont mes réussites, mes douleurs sont mes forces et tout cela forme l’amour en moi”.
Vous aurez compris que depuis le début, mes complices et moi luttons ensemble. Nous déployons nos capes en même temps et encaissons les coups durs de la vie, tels les alliés que nous sommes.
Champ de batailles
Toutefois, l’année 2023 est différente. Si je devais la qualifier, je la dirais explosive. Elle marque plusieurs transitions nettes : l’entrée au collège, le lycée, des missions de prestations professionnelles non renouvelées. Financièrement, j’ai également touché le fonds.
Le comportement de mon fils, aujourd’hui pré-adolescent, et ma fille ado, m’ont propulsée dans un univers parallèle : celui de la provocation, du dépassement des limites à outrance et du défi de l’autorité parentale. J’ai ressenti un véritable “couac” relationnel avec Domi. Notre duo complice s’est transformé en duel. Je me suis entendu penser la chose suivante : “Mon fils, ras-le-bol, maman se désolidarise. Tu vas t’équiper tout seul pour encaisser les coups, je ne suis plus à tes côtés”. Là où j’ai toujours fait preuve de patience à son égard, je me suis vu lui crier dessus à maintes reprises et exploser. N’étant plus en capacité de supporter les fumées émotionnelles des uns et des autres, j’ai fréquemment activé le mode “hors de ma vue”; je me retirais ou j’imposais le retrait dans les chambres. J’ai aussi mobilisé énormément d’énergie pour gérer la phase affreuse des devoirs, capter les doutes, de ma lycéenne, ses projets d’orientation. Ces difficultés sont venues s’ajouter à une défaillance du système scolaire : il m’a fallu composer avec une AESH (Accompagnante pour Élève en Situation de Handicap) non présente en permanence car mutualisée et des professeurs qui manquent de compréhension. Plus qu’un manque de compréhension, je dirais même un manque de formation, de sensibilisation et de prévention. Auparavant je rencontrais ses professeurs en début d’année pour faire le point de rentrée. Là, je ne les ai rencontrés qu’au mois de février. Là où son emploi du temps aurait dû être aménagé, il ne l’a pas été. Là où ses professeurs auraient dû comprendre son manque d’attention, de motivation et sa fatigue, je lisais dans son carnet de correspondance des remarques du type “Apparemment cet enfant a l’air de se coucher très tard”. Il y a eu tant de mots dans son carnet que j’ai subi comme une véritable pression de la part de ses professeurs, du type harcèlement. J’ai composé avec les failles du système, jusqu’à ébullition.
En effet, ce trop-plein a fait bouillir la cocotte minute en moi et fait ressortir un énorme nuage noir de la cheminée. Embrumée de suie, la dépression a commencé à s’installer.
Armes à terre
Alors que j’ai toujours accueilli et considéré les épreuves de la vie comme une merveille, un apprentissage, j’ai commencé à sombrer dans la noirceur et la tristesse. Au fil des ans, des petits morceaux de moi se sont dispersés à droite et à gauche… Un peu par-ci, dans le suivi médical et la gestion émotionnelle familiale… Un peu par-là, lors des allers et retours soutenus de la maison vers l’école… Un plus gros morceau par ici, lors de la rupture sentimentale, suivie de rendez-vous au tribunal… Puis un bout colossal s’en est allé, dans ce dialogue de sourd avec les enseignants du collège… Sans cape ni bouclier, je me suis retrouvée.
C’est alors que mes warnings intérieurs se sont allumés. J’ai pris le temps de battre en retraite, de m’arrêter, de prendre du recul pour comprendre ma détresse. J’ai pris conscience de mon épuisement car en effet, le matin je me réveillais avec un réservoir d’essence inférieur à la moitié et le soir il était complètement vide. Je fonctionnais sur la réserve. J’ai alors compris le poids des mots de cette coach familiale qui a suivi Domi et m’a proposé un accompagnement, car selon ses dires, j’étais arrivée à un stade de saturation et tout laissait à montrer que j’avais atteint mes limites. Oui, j’étais à la limite du burn-out parental.
J’ai donc fait le choix de repenser mon mode de vie personnel et professionnel, j’ai repris un poste en salarié en mettant mon activité d’entrepreneure en pause. J’ai également remis en place des temps pour moi, avec une sophrologue. Être parent, c’est comme être en poste, avec un contrat à durée indéterminée (CDI), non négociable. Toutefois, il est fondamental de poser des RTT et des jours de vacances, pour le bien-être de la famille. Les temps pour soi, en tant que maman, font partie des clauses et conditions indispensables à notre contrat à la parentalité (rire). Aujourd’hui, mon oreillette interne ne grésille plus, elle est à nouveau fonctionnelle. Je suis à l’écoute de moi-même et de mes propres besoins.
Ensemble face à l’adversité
J’ai décidé de prendre la parole sans honte, ni tabou, pour vous faire part de mon vécu. Faire remonter à la surface les cassures avec le système scolaire et les blessures avec mon “association de malfaiteurs”, qui sont également mes étincelles. De cœur à cœur, d’humain à humain, nous pouvons tous être un secours pour l’autre. Il est si salvateur de s’exprimer. J’avais envie de vous partager mon expérience pensant qu’elle pourra peut-être vous être utile. En effet, partager ce que l’on vit avec des inconnus, des amis, des membres de sa famille ou des professionnels de santé, peut permettre de se sentir compris et soutenu. Sur mon chemin, j’ai rencontré dans mon entourage proche, une oreille attentive et une main tendue. Celle de ma sœur m’a fait prendre conscience que j’avais besoin d’aide et que je n’y arriverais pas toute seule. Une aide que j’ai acceptée, car il est plus aisé de faire face à l’adversité ensemble.
Je termine mon récit et vous laisse avec les mots lumineux suivants : peu importe ta bataille, aide-toi toi-même et ne t’oublie pas afin de rayonner autour de toi.
Si vous traversez des défis liés à la parentalité, notre blog accueillera votre témoignage inspirant avec bienveillance. Pour déposer vos maux et vos mots, rendez-vous sur notre page dédiée à cet effet.