Mon burn-out à moi : une chute libre de kilos - Hors-Normes
Découvrez l'histoire poignante de Céline, qui a lutté contre le burn-out et l'anorexie, et comment elle a réussi à se reconstruire après.

Mon burn-out à moi : une chute libre de kilos

écrit par Celine

“41 kg pour 1m65, avec une tension à 16 ! Que se passe-t-il Madame M. ? Vous n’avez que 34 ans et vous êtes au bord de l’AVC !” me dit le Docteur. 

“Comment vous dire, Docteur… ? Ah si, je sais !”. Je vais lui raconter et vous faire part, chers lecteurs, d’une anecdote, suivie de mon histoire, pour vous expliquer ce poids si bas et cette tension si haute.

Mort au travail

Il y a deux ans, lorsque j’ai intégré ‘cette entreprise’, je rentrais de ma semaine de formation. Il est 20h, la télé est allumée, c’est l’heure du JT. Le journaliste annonce qu’un homme de 42 ans, directeur d’une agence bancaire s’est pendu dans son bureau, laissant un courrier à sa femme et ses jeunes enfants pour leur dire qu’il les aimait, qu’il s’excusait de son geste, mais que la pression qu’il vivait quotidiennement au travail lui était devenue insupportable au point de souhaiter mourir.

J’étais moi-même maman de deux jeunes enfants. J’ai regardé mon mari et je lui ai dit : “Mais comment ? Comment peut-on se suicider pour un boulot ? Tu te rends compte ? Il n’était même pas malheureux dans sa vie personnelle ! Il se butte pour un travail alors qu’il n’a qu’à en changer !”. 

Vraiment, je ne comprenais pas ! 

“Mais aujourd’hui Docteur, je sais. Je sais pourquoi il a fait ça. J’ai compris ce cheminement psychologique qui l’a poussé à se suicider…”.

Ce jour-là, était le premier jour du début de ma guérison, enfin c’est un bien grand mot, car pour moi, le burn-out ne se guérit jamais totalement. La dépression qui l’accompagne se soigne, on se sent mieux. Mais il est toujours là, quelque part dans ta tête, caché dans un de tes tiroirs cérébraux, prêt à ressortir dès qu’il sent une faiblesse psychique chez son hôte.

On dit qu’il ne faut pas “cracher dans la soupe”. C’est vrai, mais à cette expression, j’ajouterais que s’il y a de la Javel dedans, c’est recommandé de le faire !

51 kg : Un nouveau poste réjouissant

J’intègre un grand groupe d’assurances à l’âge de 32 ans. Je suis heureuse dans ma vie, bien dans mon corps et dans ma tête, et très motivée à l’idée de ce nouveau défi qui se présente. 

J’avoue que je me mets de la pression toute seule, dès le départ. Après tout, je quitte un CDI alors que mon mari (devenu mon ex depuis) est père au foyer et qu’au bout de trois mois de formation intensive, si je loupe mon habilitation, je pointerai au chômage. Une situation qui me fait un peu peur et cette peur ne disparaîtra jamais. Elle sera le fil rouge de mon expérience.

48 kg : Un sentiment de peur tenace

Bien que j’obtienne cet agrément haut la main, la peur ne me lâche plus. Il faut maintenant que je prouve ma capacité à faire rentrer des contrats et pour cela j’ai six mois de période d’essai, renouvelable six mois. Une année complète avec cette épée de Damoclès planant au-dessus de ma tête.

Les symptômes liés au stress ont commencé mais bien que j’aie déjà perdu 3kg, je ne les vois pas.

Enfin “je ne les vois pas”… En réalité, je les vois bien, mais ce n’est pas grave, c’est même normal. Tout bien considéré, tout est nouveau pour moi, ce nouveau monde professionnel m’est inconnu, donc encore une fois, c’est normal, cela passera avec le temps, en tous cas je m’en convaincs.

47 kg : Un état de stress permanent

47 kg parce que les vacances m’ont permis de me reposer et de me remplumer… un peu. En effet, les symptômes du stress cessaient le vendredi soir pour reprendre le dimanche soir. Mais là, j’avais droit à quinze jours de congés ! Youhou ! Quinze jours normaux !

Oui, je parle de normalité parce que mon quotidien ne l’était plus : cela commence par une baisse d’appétit, puis des crises de larmes, mais à nouveau, je me l’explique : “Je suis encore un bébé dans ce milieu professionnel, même avec quelques mois de pratique. J’ai encore tout à apprendre, un réseau à me constituer ». Suivi de cette phrase que je me répétais sans cesse dans ma tête : « Oui Céline, t’inquiète, quand t’auras fait ton réseau, que tu seras connue sur ton secteur, alors ça ira mieux, accroche-toi”. Alors je m’accroche, comme une moule à son rocher ou plutôt comme un pilote à son manche, en zone de turbulences…

46 kg : Un poids limite alarmant

Pour rassurer mes proches, je vais consulter un psychiatre : il m’a soulagée de 70 €, accusé ma mère et m’a donné une jolie petite ordonnance pleine de cachetons. Mais je m’y refuse, je suis trop jeune pour prendre cela et puis, je suis forte après tout ! Je ne retournerai jamais le voir. « C’est vous qui avez la clé pour vous en sortir » m’avait-il dit. “Mais moi, si je suis venue te voir trou du c.. *, c’est pour que tu me la donnes cette p…..* de clé, bor…* !”. Et oui, après la peur, la colère s’installait.

45 kg : Une prise de médicaments inévitable

C’est mon gynéco qui me convaincra de prendre le traitement d’antidépresseurs. Il met des mots sur ce qui arrive à mon cerveau. C’est lui qui m’explique le rôle d’un antidépresseur : celui de réguler la chimie qui compose ton cerveau. Ou quand ton hypothalamus, qui, avec le stress chronique ne cesse de demander à ton hypophyse d’activer les glandes surrénales pour qu’elles libèrent du cortisol, l’hormone du stress. Mais à haute dose, le cortisol dégrade le cerveau et les autres systèmes de l’organisme. C’est technique, désolée si je vous perds, mais pour moi cela m’a été tellement bénéfique : je comprenais et j’acceptais ce qu’il m’arrivait. Je commence donc à prendre des antidépresseurs, des anxiolytiques et des somnifères. Je voulais guérir et revivre normalement.

44 kg : Des vomissements au quotidien

7h, l’alarme sonne, c’est l’heure… J’ai le bide retourné. Comme tous les matins depuis des mois, je commence ma journée par aller vomir les trois ou quatre bouchées que j’ai réussi à avaler la veille. Ensuite la peur revient, cette c…….*, elle monte comme une flèche et en quelques minutes l’angoisse s’installe. Ma gorge se sert, je me sens oppressée, je ne peux pas retenir mes larmes et je me rassois dans mon lit pour me balancer sur moi-même. Comme un enfant en crise, je me balance et je pleure. Je pleure parce que j’ai peur de tout. “Pire que de passer l’oral du bac » disais-je à mon mari qui ne comprenait pas mon état. « Mais t’as peur de quoi ?” me demandait-il. 

“J’en sais rien, mais j’ai p…..* de peur, j’te jure. Pardon, pardon d’être comme ça, j’comprends pas pourquoi, mais j’ai peur, c’est horrible”.

9h30, sms : “Bravo à Stéphane d’avoir signé une retraite à 5’000 par an !”.

10h15, sms : “Bravo à Julie pour sa prévoyance à 6’700 par an !”.

12h00, sms : “Bravo à machin pour son truc à tant par an !”.

15H00, appel de ma N+2 en plein rendez-vous chez un client : “Ça va Céline ? C’est RTT pour vous aujourd’hui ? On profite bien des enfants ?”. “Bah heu, non, heu, je suis en clientèle…”. 

Pas le temps de finir ma phrase, qu’elle a déjà raccroché. L’angoisse monte, pourvu que ce client signe et me donne son RIB… Mais fait ch…*, je vois bien qu’il m’apprécie, que mes arguments le touchent, mais qu’il va vouloir réfléchir… “P…..*, je vais être la seule à ne pas signer cette semaine. Comment vais-je rattraper les autres ?”.

43 kg : Une perte d’appétit douloureuse

Même les congés ne me suffisent plus pour retrouver de l’appétit. Le stress chronique a fait son job : à force de stresser, je n’ai pas faim. Je n’ai pas faim alors je ne mange pas suffisamment. Je ne mange plus assez alors mon estomac rétrécit. Et ce cercle vicieux est installé depuis plusieurs mois déjà. Manger devient douloureux physiquement. Une tomate cerise ? Pfff, j’ai l’impression d’avoir mangé un couscous ! 

Anxiété, dépression, nervosité, irritabilité, même bipolarité animent mon quotidien. Nouveau symptôme au réveil : des plaques rouges sur mes bras, mon ventre. L’urticaire, encore un truc que je pensais qui n’arrivait qu’aux autres.

“C’est quoi cette vie de m….* !”. Mais je m’accroche encore car je gagne plutôt bien ma vie et ma famille en dépend. 

Bien que je sois entourée et soutenue par mes parents, ma sœur et mes ami(e)s, je fatigue de plus en plus. Leur soutien et mes médocs ne suffisent pas. Je vais voir mon généraliste, je lui demande de me mettre dans le coma, car mourir je n’ai pas le droit. J’ai deux enfants et pour eux je dois continuer à vivre. “Mais j’en peux plus Docteur, s’il vous plaît, aidez-moi”.

Il me mettra sous 30 mg de Valium par jour… J’en prendrai 70 mg pour supporter le poids de mes journées et surtout de mes angoisses. Je ne rencontrerai aucune difficulté à faire renouveler mes ordonnances en passant chez d’autres généralistes qui, pressés de passer à un autre patient, renouvelleront mon traitement sans poser de questions et tant mieux, cela m’arrange !

41 kg : “Le” coup de fil qui sauva ma vie

Mon téléphone pro sonne : “Céline ? Coucou c’est Carine (ma N+1, que j’adorais). Dis, Nico ne peut pas aller à son rendez-vous de la médecine du travail. Donc comme tu devais y aller la semaine prochaine, puisque ça fait déjà deux ans, peux-tu décaler ton rendez-vous avec ton boulanger et y aller à sa place ?”.

Cet appel me dérangeait sur le moment, car je comptais bien sur mon boulanger pour me signer deux beaux contrats, mais je réalise aujourd’hui qu’il m’a sauvée.

La « guérison » : vaincre l’anorexie et me reconstruire 

Après mon licenciement pour inaptitude à tous les postes de l’entreprise, nous avons déménagé dans le sud de la France : une façon de fuir la réalité ou la faiblesse de céder au désir de mon ex ? Un peu des deux certainement, même si je ne le regrette pas.

La première année, je l’ai consacrée au repos, au temps passé avec mes enfants, aux petits bonheurs simples comme une jolie promenade, un pique-nique. Mais aussi à réparer mon corps, à lui rendre sa silhouette d’avant, son énergie. On parle beaucoup de la difficulté de maigrir, de suivre des régimes et moins de celle de grossir. Pourtant cela vous demande de faire violence à votre corps. Je n’étais pas devenue anorexique parce que je n’aimais pas mon corps ni pour contrôler un aspect de ma vie, donc cela représentait déjà une difficulté en moins. Mais augmenter la taille de votre estomac est douloureux. Manger plus qu’à sa faim : c’est dormir assis à cause des remontées gastriques, qui à force, brûlent votre œsophage. C’est ressentir des douleurs nocturnes qui deviennent aussi diurnes. Mais bon, relativisons, à côté des angoisses, c’est du p…* d’chat !

Une « guérison » entre guillemets : des angoisses au taquet 

J’ai mis des guillemets à “guérison” et plus haut dans ce texte je disais que selon moi, le burn-out est vicieux, car toujours prêt à se réveiller, même après plusieurs mois d’un long sommeil et voici pourquoi.

Après dix mois d’arrêt maladie et un an de chômage, cela fait presque deux ans que je n’ai presque plus d’angoisses, mais je reste encore très marquée psychologiquement. Je le sais car durant cette période, si je parlais de mon burn-out, je ne pouvais m’empêcher de pleurer. Alors que j’étais en pleurs chez mon médecin généraliste et que je lui expliquais que j’avais peur à l’idée de retourner travailler, celui-ci m’a mis un bon coup de pied aux fesses en m’expliquant que ce que j’avais vécu était comme un traumatisme, tel un accident de la route : « Pour la victime, la voiture qui, jusque-là, représentait la liberté de mouvement, s’associe d’un coup au danger mortel. Mais pour toi Céline, c’est le travail. Dans ton inconscient, travail = danger. Mais toutes les entreprises ne fonctionnent pas comme celles que tu as connues. Tant que tu ne retourneras pas travailler et ne retrouveras pas un quotidien professionnel avec un management sain, tu ne guériras pas. C’est en y retournant et en t’apercevant concrètement que finalement ça se passe bien, que tu iras mieux et que tu dissocieras le travail du danger ».

Alors j’ai refait mon CV et obtenu un premier entretien pour un CDI, toujours en tant que commerciale en assurances car mon expérience précédente attirait les assureurs comme des mouches à cause du turn-over. 

La veille de mon entretien, je suis légèrement stressée, normal, rien d’inquiétant. Mais à 4h du matin, là, j’ai flippé : je me suis réveillée avec des doubles nœuds au ventre, des palpitations cardiaques, le souffle court, ce sentiment d’oppression, et cette p…..* d’envie de vomir. C’était comme si ces vingt-deux mois de repos et de reconstruction n’avaient pas existé. Je ressentais un sentiment de régression et d’échec.

J’ai pris un long bain et appliqué des techniques de respiration, mais à l’heure du départ, l’angoisse (ou la peur, je ne sais plus les différencier) est telle que je demande à mon mari de m’y emmener. Je ne pouvais pas conduire, pleurer et me balancer sur moi-même simultanément. Arrivée là-bas, j’ai refait comme lorsque j’allais en rendez-vous clientèle et que j’avais pleuré tout le trajet : je me mets une petite claque sur les joues pour avoir bonne mine, j’essuie mes larmes et mon mascara coulant, je prends une grande inspiration et je « switch » dans mon personnage de femme forte et sûre d’elle. Cela a fonctionné puisque j’ai obtenu le poste. Mais je l’ai refusé aussitôt car bien que j’eusse bonne mine et faisais bonne impression, je sentais que si je restais une minute de plus à cet entretien, j’allais m’écrouler. Le recruteur n’a rien vu, lui. Je suis bonne comédienne, faut croire.

Bref, j’ai refusé un second poste en assurance puis accepté de faire des remplacements à la banque, en CDD de trois jours à une semaine. Ces petits contrats me mettaient moins de pression qu’un CDI. 

Au bout de quatre mois à tourner d’agence en agence (ce qui m’a permis de découvrir ma nouvelle région), une mutuelle m’a contactée pour me proposer un CDI dans une agence dans la ville dans laquelle nous souhaitions acheter notre maison. Et pour acheter il me fallait ce CDI. Alors, bien qu’encore une fois je devais lutter contre mes angoisses, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai accepté le poste.

Mon médecin avait raison. Cela a fonctionné. Plus d’angoisses le matin, de perte d’appétit, de plaques etc… J’étais guérie.

Aujourd’hui, je peux encore avoir des angoisses, comme l’été dernier par exemple, juste parce que je ne devais pas rater l’avion. Aucune raison que je le rate, mais ce genre d’impératif me stresse et comme le corps a une mémoire, le mien confond maintenant léger stress et grosse angoisse. C’est comme si j’avais des petits ouvriers dans ma tête qui appuyaient sur le bouton d’alarme dès que mon cœur bat un peu plus vite que d’habitude. Je les imagine hurlant : “Hey les gars ! Son cœur bat plus vite, elle doit sûrement nous faire une angoisse alors activez les nœuds au ventre, accélérez la respiration et comprimez sa cage thoracique, c’est un ordre !”. Et ils s’exécutent.

Les bénéfices de mon burn-out

Mon burn-out m’a tout de même, quelque part, été bénéfique : la vie dans le Sud, mon ouverture d’esprit aux problèmes psychiques que je ne comprenais pas du tout avant qu’ils ne me touchent. Mes priorités ont aussi changé puisque la carriériste d’avant que j’étais, qui devait absolument réussir professionnellement et financièrement, n’existe plus. Ma vision du travail n’est plus la même, je sais maintenant que j’ai besoin d’humain et non de chiffres, de défis commerciaux ou de tableaux Excel pour me sentir exister.

C’est finalement sûrement grâce à ce burn-out que j’ai eu le courage, en fin d’année dernière, de négocier une rupture conventionnelle, de quitter un CDI et ma super convention collective pour me préparer au concours d’entrée au diplôme d’État d’éducatrice spécialisée (diplôme que j’ai réussi avec quelques angoisses, mais je les accepte maintenant, car elles font partie de moi). C’est reparti pour trois ans d’étude, de stages et de soutenance de mémoire. Il m’aura fallu ce burn-out pour savoir ce que je voulais faire quand je serai grande (à 45 ans, rires) : “Je veux travailler dans le social, dans l’humain”. Je suis consciente des difficultés sur le terrain, mais cette fois-ci, c’est un choix et non une opportunité qui m’a amenée là où le vent souffle.

« Sauvez-vous de vous-même » 

Pour conclure simplement, je dirais qu’il y a un avant et un après burn-out, avec ses avantages et ses inconvénients. À nous de faire du tri et de se prendre en main, avec toutes les difficultés que cela comporte. Il faut du courage, c’est sûr. Être bien entouré, cela aide beaucoup et quelque part, se faire violence, sortir de sa zone de confort. Il faut du temps, alors prenez-le et sauvez-vous de vous-même.

Si, comme Céline, vous avez vécu un burn-out professionnel et que vous avez trouvé les ressources pour en sortir, votre histoire est la bienvenue sur notre blog. Pour déposer vos maux, nous vous invitons à vous rendre sur notre page témoignage

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