Mon syndrome de l’imposteur, crayon en main - Hors-Normes
Explorez le récit captivant d'une femme surmontant le syndrome de l'imposteur dans sa carrière et découvrant la force d'entreprendre.

Mon syndrome de l’imposteur, crayon en main

écrit par Emilie

Je me suis toujours dit : tout le monde a la capacité de faire ce que je fais. 

J’ai toujours été convaincue :  la création est avant tout une question d’envie. 

J’ai toujours prôné : quand on veut, on peut ! 

 

J’ai donc beaucoup travaillé pour essayer d’atteindre un niveau en dessin. J’ai cherché, étudié, toujours en quête de nouvelles techniques, de nouveaux projets à réaliser. 

Rien n’est jamais acquis ! 

Alors il fallait remplir constamment mon être de cette créativité débordante et sans limites. 

 

“Dessine ma Mimi doux” 

 

J’ai donc commencé par le dessin. Parce que lorsque j’étais enfant, c’était mon moyen de m’occuper… “Je m’ennuie, maman !”. “Fais un dessin” était sa réponse ! Et c’est ce que j’ai fait. Puis, j’ai voulu en faire mon métier avec les études adéquates. 

 

À 16 ans, ma mère m’offre la possibilité de prendre des cours de dessin, quelle chance ! La technique classique : j’ai passé des heures sur un seul et même dessin pour me préparer à ces grandes écoles qui semaient des étoiles dans mes yeux. 

 

Non, je n’ai pas réussi ! 

Je me suis même retrouvée face à un milieu finalement assez loin de ce que je projetais. L’idée que j’en avais, utopique bien sûr, était celle d’un milieu prônant la bienveillance et surtout qui valorisait la différence. Belle erreur ! 

 

“Achète du matériel de qualité et dessine dans le bon sens” 

 

Je n’ai pas accédé à ces grandes écoles, mais j’ai pris des chemins de traverse… Des voies professionnelles en commençant par la photo, puis des études post-bac dans la communication visuelle. Je suis restée dans une vision artistique de mon avenir. 

 

Mon premier étonnement a été face à un prof me sabrant car je n’avais pas les moyens de m’offrir un certain type de matériel : “Tu n’auras jamais la moyenne si tu n’achètes pas ce papier !”, “Ah !”. Je pensais que c’était ce que j’y apposais qui comptait… 

Je me suis vue dans la position délicate de lui expliquer que je travaillais le week-end et que j’attendais un prêt étudiant, contrairement aux autres élèves. J’étais scandalisée, mais aussi rabaissée et blessée. 

 

Puis cet autre événement parmi d’autres pour clôturer mon diplôme… 

Lors de mon examen final, un “surveillant” (probablement un prof), est venu me stipuler que je n’utilisais pas le papier dans le “bon sens”. “Le bon sens ?!”

Le rendu ainsi produit est MA façon de dessiner, il est le bon SENS… pour MOI ! 

Mais ? Ne sommes-nous pas là pour être créatifs !? Il y avait visiblement des codes dans lesquels je ne rentrais pas. 

 

“Tu es illégitime” 

 

J’ai, après cela, cherché du travail… Dans un milieu, je le comprends alors, qui n’embauche que des stagiaires avec un CV digne d’un DA de 15 ans expérience. Je ne sais pas trop si je peux l’écrire, mais LOL !

Me voilà donc à enchaîner des postes « alimentaires » qui vont finalement devenir de vrais postes avec des responsabilités. 

Je me proclame à deux reprises graphiste indépendante mais je suis rattrapée par la réalité de la vie : il faut payer les factures. 

J’accepte un poste avec un projet dans l’impression. Je signe malgré un environnement de travail qui m’est hostile. Mes compétences graphiques et ma créativité me sont plus qu’utiles, mais jamais reconnues, même pire : j’ai le sentiment que l’on profite de moi. J’évolue dans un univers masculin et je dois constamment batailler pour démontrer par A + B le pourquoi du comment. 

Pour contextualiser mes propos : j’arrive dans cette boîte en tant qu’intérimaire, « petites mains », et cela me convient. Le hasard de la vie veut qu’ils souhaitent développer un atelier d’impression et de découpe. Nous sommes dans une usine et les machines en projet d’achat sont énormissimes, de l’ordre de la production industrielle. On me propose ce poste pour accueillir ces machines, manager une équipe et gérer la production de l’atelier. Je prends la décision de lâcher mon activité d’indépendante pour m’investir dans ce projet aussi dingue que passionnant. Je suis formée sur ces machines, je les fais tourner, je les entretiens, maintenance et mécanique, mais j’établis aussi les contraintes techniques et les process de production.   

  

Je suis jalousée par certain(e)s, mais aussi heureusement portée par de fabuleuses rencontres professionnelles où une dynamique d’équipe est de l’ordre de l’évidence. Les deux situations sont aussi intenses à vivre l’une que l’autre.

 

« Entre deux », jamais dans une case, ni un service ou dans un parti. Je fais le pont entre le monde de l’usine et le bureaucrate. À gauche, on dit que je suis passée sous LES (oui « les ») bureaux pour obtenir mon poste. “Bah oui ! Comment est-ce possible qu’une femme signe ce poste de cheffe ?”. À droite, on dit : “Non mais, elle sort d’où elle ? Elle travaille dans l’atelier (en bleu de travail, c’est un détail, mais il a du sens dans les a priori des gens), et elle ose nous dire quelles sont les contraintes techniques ?”.

 

Je dois constamment expliquer, démontrer, je monte des tests pour prouver car ma parole est sans cesse remise en question. Je garde la face, toujours ! Mais à l’intérieur, c’est l’ouragan. Mes émotions sont constamment mises à mal. Je rentre lessivée, anéantie par toute cette violence que je dois supporter.

 

Je ne me sens tellement pas légitime que je me renseigne pour reprendre des études d’ingénieur (là aussi, LOL). Je veux à ce moment acter ma position par un diplôme.

 

“Tu es incompétente” 

 

Fatiguée, je pars pour une société similaire, la concurrence. Et là, c’est le drame ! Très investie dans cette nouvelle société, je trouve ma place au sein des équipes qui m’accueillent chaleureusement, mais il semble que cela ne convienne pas à tout le monde. 

Je suis animée par le travail de qualité en respectant aussi ceux qui le produisent. Je mène sans cesse une bataille professionnelle dictée par la bienveillance et le sens du « juste ». Je travaille au service des autres, mais au détriment de mon propre intérêt. 

Du jour au lendemain, je me fais licencier sauvagement. Je suis conviée à rester chez moi, payée, et sous silence. MOTIF : incompétence ! 

 

Incompétence… Je peux vous dire que ce mot est gravé dans chacun de mes doutes, chacune de mes décisions, encore aujourd’hui. Trois mois d’arrêt NET. C’est le néant. Je pleure, je rumine ! 

 

Je me retrouve confrontée à devoir dire à mon entourage que j’ai été licenciée et pourquoi ! 

Je perds tous mes moyens, là où déjà je n’ai pas confiance en moi. Je suis meurtrie. 

 

Que faire ? 

Reprendre en tant qu’indépendante ? NON, je ne m’en sens plus capable.

Reprendre des études pour prouver ? NON, c’est bon, j’ai ma dose aussi.

 

Je cherche alors un nouveau travail, pour ME prouver que j’en suis capable… Objectif : même statut, même salaire. Je me présente en toute transparence. Je suis comme ça et POINT ! 

J’accepte un CDD pour ne pas me lancer à nouveau à corps perdu dans un nouveau projet. Au cours de celui-ci, l’évidence d’entreprendre s’impose à moi. Je ne trouve pas de société où m’épanouir, je dois tout simplement la créer, pour mettre en œuvre ce qui a du sens pour moi et dans le respect de mes valeurs.

     

Je dessine, je suis compétente, je suis une artiste 

 

Après des années sans avoir touché un crayon, je reprends le dessin lors de mon arrêt forcé. C’est vital pour moi ! 

Mon trait est plus incisif et de ce fait, à mon sens, plus expressif. 

Poser sur papier me soulage du trop-plein accumulé.  

 

C’est là que commence ‘mon entreprendre’. 

C’est dans la résilience que je trouve la force.

C’est sous l’impulsion de la colère que ma créativité se met à déborder. 

 

Les doutes accompagnent mon quotidien car je ne sais jamais à l’avance si mes dessins ou réalisations graphiques vont aboutir à la hauteur de mes espérances et si cela plaira à mes client(e)s. Cela se traduit par la difficulté à valider, appuyer sur ON, envoyer mon travail à mes clients et tout simplement montrer ce que je sais faire. Mais c’est aussi dans cette fragilité que je puise la puissance et l’inspiration.

 

Je commence à oser montrer ! Et je prends conscience que même mon entourage ne visualise pas ce que je crée. C’est là pourtant, mais je n’ai jamais eu suffisamment confiance en moi pour dire : “C’est moi qui l’ai fait”.

 

Aujourd’hui je peux dire que je suis différente et que je cultive ma singularité. Mais surtout, je suis une artiste et NON, tout le monde n’est pas capable de faire ce que je fais, ce que je crée. 

J’ai ouvert une société parce que je me respecte et que je veux porter mes valeurs de vie et mes valeurs créatives. J’ai décidé d’OSER.

 

Si comme Émilie, tu as osée, n’hésites pas à nous envoyer ton témoignage !

Envie de temoigner

Je témoigne