Découverte de la vie à trois - Hors-Normes
Le témoignage de Mélanie raconte son parcours de maman d'une enfant aux troubles du spectre autistique Asperger.

Découverte de la vie à trois

écrit par Mélanie

Éloïse, notre première fille, est née en mars 2018. 

Un bébé très désiré après cinq ans de vie à deux.

Ma grossesse s’est bien déroulée malgré les nausées et j’ai fini par avoir une césarienne après plus de 24 heures de travail.

Mon mari a pu tout de suite accueillir notre fille avec du peau à peau et moi je ne l’ai rencontrée que le lendemain matin.

Nous sommes restées en maternité une semaine et déjà, une phrase d’une sage-femme nous avait marqués : « Elle pleure plus fort que la norme ! ».

Bon, apparemment il y a une norme sur les pleurs de bébé, mais nous sommes rentrés sans nous poser de questions et avons démarré notre vie à trois.

Les premiers mois furent difficiles, Éloïse pleurait sans cesse et nous n’arrivions jamais à la calmer sauf en portage.

Elle se mettait dans des états incompréhensibles… et nous, premier bébé, nous étions démunis.

Autour de nous, on nous répétait : « Oh mais ça va passer« , ou « Oh, mais c’est parce que tu vas reprendre le travail, c’est difficile pour elle« . OK !

 

La vie en collectivité 

 

Juin 2018, je reprends le travail, je suis infirmière à l’hôpital, horaires variables. Nous trouvons une assmat qui paraît nous convenir.

Très vite, nous déchantons. Éloïse ne dort jamais chez cette nounou, son rythme n’est pas respecté, il y a beaucoup de bruit et nous commençons à nous poser des questions. 

Nous en discutons avec l’assmat qui nous dit qu’elle fera attention mais qu’elle ne sait pas comment calmer Éloïse. 

Un mois plus tard, nous préférons arrêter le contrat et nous trouvons une nouvelle assmat.

Cette dernière est super : plein d’activités, des copains adorables et le rythme de notre bébé est respecté ! Mais à la maison, c’est dur : beaucoup de crises, de pleurs et jamais souriante.

À huit mois, elle ne joue pas et hurle si je quitte son champ de vision. Et là, on me déclare : « Oh mais c’est l’âge de l’angoisse de séparation ! ». OK ! Je ne dis rien mais je commence régulièrement à penser que ça ne va pas.

Mon mari, lui, ne dit trop rien, “C‘est un bébé, ça va passer”.

 

Première consultation 

 

Éloïse a neuf mois lorsqu’elle fait la crise de trop. Elle se replie sur elle-même, elle hurle et on ne peut même plus la toucher. Je prends pour excuse qu’elle a quelques boutons sur la peau qui m’inquiètent et nous filons aux urgences avec notre fille en larmes.

Ce soir-là, nous rencontrons une pédiatre d’une telle douceur que je m’effondre et je lui explique être à bout de souffle, que les cris de notre fille sont devenus ingérables.

Elle ausculte Éloïse et la trouve effectivement très tendue. Elle nous propose alors de recevoir régulièrement Éloïse en consultation avec une psychomotricienne et une psychologue.

C’est ce que nous faisons durant quelques mois, sans obtenir réellement de réponses.

 

Chez sa nounou, cela commence aussi à devenir compliqué. Chaque sortie en groupe est un calvaire pour Éloïse qui ne tolère pas le bruit ni le monde. 

Une fois sur deux, je quitte le travail en urgence pour la récupérer et l’apaiser… 

Nous continuons comme ceci jusqu’à notre déménagement à la campagne.

 

Nouveau changement de nounou, mais cette fois-ci c’est le top ! Éloïse a une copine de son âge, nous la trouvons épanouie, nous soufflons un peu.

 

La deuxième année

 

Nous arrivons à la deuxième année d’Éloïse. Elle parle, fait des puzzles de 20 pièces, nous dit « pourquoi » à longueur de journée.

Elle s’exprime et marche très bien ! Elle parle déjà du soleil, des nuages, des étoiles et s’intéresse activement aux panneaux sur la route. 

Elle est exclusive dans les jeux et porte des intérêts restreints à ce qui l’entoure.

Pour nous, qui n’avons pas de comparatif avec un autre enfant, nous avons une petite fille tout à fait « typique ». Son développement ne nous inquiète pas, mais son comportement est « excessif ».

Une frustration est source de pleurs et cris pendant une heure, voire deux. Un changement dans sa routine lui crée des angoisses. 

Mais surtout, elle est violente envers moi, et moi seulement.

  

Cette année-là je suis beaucoup à la maison car je suis enceinte et arrêtée très tôt. 

Mon mari ne se rend pas compte de ce qu’il se passe à la maison quand il n’est pas là.

Il m’avouera plus tard penser que j’exagérais.

Arrive l’été, le mois d’août. Notre deuxième petite fille décède pendant ma grossesse.

Pour Éloïse, tout est de ma faute et elle explose. Tout est source de problèmes, la violence est quotidienne.

À partir de là, mon mari s’inquiète aussi et me rejoint dans mes doutes.

 

Poser un diagnostic, se battre

 

J’ose enfin mettre des mots. Évoquer l’autisme. Parler de troubles du comportement.

Et si notre fille était autiste… Cette phrase passe en boucle dans ma tête. 

Nous démarrons en septembre 2020 une bataille qui va durer deux longues années.

 

Nous rencontrons une première psychologue. Très gentille, mais comme beaucoup, elle nous dit : « Elle est petite, je ne peux pas vous dire grand-chose« . Nous la voyons deux fois.

 

À cette période, Doctolib et Google sont mes amis ! Je fouille, je passe des heures à chercher le bon professionnel. Je finis par tomber sur LA psychologue, spécialisée dans les enfants, ados, les TSA et autres troubles.

Une chance, c’est coup de cœur réciproque, notre fille l’adore, nous ne la lâchons plus. Encore aujourd’hui, elle suit toujours Éloïse. Elle nous accompagne mensuellement, lorsqu’Éloïse en a besoin.

 

Mais les troubles s’accentuent. 

 

Éloïse entre à l’école en 2021. 

Tout va bien, élève modèle, la maîtresse ne se plaint pas.

 

Décembre 2021, Éloïse devient grande sœur, elle est heureuse et s’occupe très bien de sa sœur ! (Oui, oui encore une fille, nous ne faisons que ça chez nous !). 

 

Début 2022, il nous faut accélérer les prises en charge.

Nous savons juste que la psychologue ne suffit pas. 

Les nuits sont dures, l’endormissement aussi.

Les vacances scolaires sont un réel enfer pour Éloïse et nous. Ses angoisses sont tellement présentes que sortir de la maison est un calvaire.

 

Nous rencontrons un pédopsychiatre qui propose un traitement léger pour le sommeil. Nous constatons du mieux.

Mais quand va-t-on nous donner un diagnostic ? ! Que se passe-t-il dans la tête de notre fille ?!

Nous en parlons à la psychologue. Je lui demande ce qu’elle peut faire.

Elle nous explique que cela fait un moment qu’elle pense faire passer des tests à Éloïse mais qu’elle attendait que nous lui demandions, que l’on soit prêts.

 

Elle réalise deux tests : 

Test ADOS-2 pour les TSA (troubles du spectre autistique)

– Test de Quotient Intellectuel

 

En juin 2022, ça y est, nous savons.

Éloïse a des troubles du spectre autistique de type Asperger, un très haut potentiel intellectuel et une hypersensibilité. Enfin… Mais avec ça, on fait quoi ?

 

La psychologue nous indique qu’il faut faire valider les diagnostics auprès du psychiatre. Ensuite, elle nous aidera à monter un dossier MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) afin de pouvoir bénéficier d’une allocation pour les séances de rééducation d’Éloïse.

Il faut savoir que les séances de psychologue et de psychomotricité sont à notre charge, non remboursées par la Sécurité Sociale ou la mutuelle.

Cela représente 60 euros par séance, toutes les semaines, en ajoutant les bilans/tests qui coûtent minimum 250 euros. Je vous laisse calculer…

 

Nous mettons également en place des séances avec une psychomotricienne. Cette dernière réalise également un bilan mettant en évidence des signes évocateurs de troubles de la coordination et de l’attention.

Ce test sera fait dans les prochaines semaines !

 

Le dossier MDPH est donc complet et déposé en novembre 2022.

Il ne sera validé qu’en janvier 2024…

 

Aujourd’hui, le quotidien 

 

À ce jour, nous courons entre les rendez-vous d’Éloïse : une semaine psychologue, l’autre semaine psychomotricité, puis celle d’après séances de réhabilitation sociale. S’ajoutent à cela les cours de danse du mercredi après-midi.

 

Et dans tout ça, nous les parents ?

Nous nous battons contre les regards et les réflexions de notre entourage. 

J’ai déjà eu droit au fait que j’avais trop « couvé« , “porté” ou “pas assez laissé pleurer mon bébé”… 

Ou alors, durant les crises d’Éloïse, qu’elle fait seulement “un caprice” qu’il “faut arrêter de lui chercher des excuses à tout”.

 

Nous tenons, pour offrir un quotidien serein à notre fille.

 

Le diagnostic est une libération pour nous mais il fait naître de la culpabilité au fond de moi.

Qu’avons-nous fait, pas fait ou mal fait ?

 

Nous profitons régulièrement des séances chez la psychologue d’Éloïse pour nous décharger, pleurer, mais voir aussi son évolution.

 

Sa petite sœur nous suit dans tous les rendez-vous, elle est très tolérante avec sa sœur.

 

Aujourd’hui, nous pouvons dire qu’elle va bien. 

Elle s’habille seule, devient de plus en plus autonome. Elle arrive à gérer ses émotions et frustrations un peu plus facilement.

Les vacances scolaires restent compliquées, nous ne partons jamais trop loin et trop longtemps de la maison.

 

Il y a forcément des jours où tous les troubles sont exacerbés et notre patience a des limites.

 

Loin de là l’idée de faire peur aux parents qui se posent des questions sur le développement de leur enfant, mais chez moi, l’intuition a été la bonne et je savais que j’irai au bout.

 

Je dis régulièrement à mes copines, collègues ou connaissances, qu’un rendez-vous avec une psychologue ou un autre professionnel n’est jamais de trop ni une honte, lorsqu’on se pose des questions ou que le quotidien est difficile.

Éloïse c’est notre atypique de la maison, une petite fille très intelligente, sensible et douce.

 

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