J’ai nommé mon récit “tu ne devrais pas t’investir autant, ce ne sont pas les tiennes”, car c’est la phrase, je pense, que j’ai le plus entendue en 2018, lorsque j’ai rencontré l’homme qui deviendra quelques années plus tard, mon époux, et ses filles qui, elles, deviendront mes belles-filles.
Je vais vous raconter comment j’ai vécu cette rencontre avec les enfants de mon mari et leur mère. Mon époux et moi sommes rapidement tombés amoureux l’un de l’autre. C’était un coup de foudre. Tout est allé très vite et était évident.
Après quelques semaines de vie commune, il m’annonce que la mère de ses jumelles a besoin de modifier le planning de garde pour son nouveau copain et il préfère me consulter pour que nous essayions de caler cela ensemble “au cas où, durant les prochaines années, nous aurions envie de week-ends calibrés et rythmés en symbiose”. Je suis en effet moi aussi maman de deux garçons d’une précédente union.
Nous nous sommes donc jetés à corps perdu dans l’aventure du couple et surtout de la famille recomposée. Les galères d’acceptation des uns et des autres, le rythme des gardes alternées, les ego des ex-conjoints… Nous avons cheminé avec tout ceci, comme beaucoup de néo familles. Au bout de quelques années, nous avons décidé d’acheter une grande maison pour que chacun soit à son aise et ait son espace intime.
Go… Nous lâchons mon petit F3 près de Paris pour une grande maison à la campagne de façon à nous rapprocher de la mère des jumelles qui vit assez loin de Paris, dans un tout petit village de campagne. Nous devons aussi composer avec différentes contraintes liées à nos boulots. Pour sa part, mon mari est marqué par l’expérience antérieure désagréable d’une vie à la campagne tandis que j’ai une contrainte liée au lieu de vie du père de mes fils. En prenant tout cela en considération, nous décidons de ne pas trop nous enterrer et de viser un juste milieu.
Des hostilités avec l’ex-compagne de mon mari
Ce sera le point de départ des hostilités de la mère des jumelles : l’endroit que nous avons choisi ne lui convient pas. Naïvement, je ne savais pas qu’elle était censée donner son avis. En réalité, nous comprenons à ce moment-là qu’elle tient à donner son point de vue sur tout. Le job de mon monsieur sera aussi dénigré car il n’est pas assez proche de chez elle pour lui permettre de se faire seconder en cas de besoin.
Ma disponibilité lui posera également problème. Un coup je suis trop présente et un autre coup, je ne le suis pas assez. Je suis trop présente lorsqu’elle sous-entend : “Ce sont des temps de qualité que les jumelles doivent passer avec leur papa, pas avec toi qui n’est rien”. Peu importe que les jumelles aient envie, elles, de ces moments avec moi et mes garçons, non ! Ce serait un affront intolérable. Leur mère nous supprimera donc nos mercredis passés ensemble.
En revanche, elle ne me juge pas assez présente lorsqu’elle exige notamment que je récupère ses filles à un horaire qu’il ne m’est pas possible de respecter étant donné que je suis déjà occupée par l’un des nombreux suivis de mes enfants atypiques. Je ne la supplée pas assez dans sa grande charge quotidienne. Sauf que bon… aussi aimante et conciliante que je puisse être, ce ne sont pas mes enfants. Je m’implique autant que je peux mais ma priorité est d’assumer d’abord la charge liée à mes fils et ensuite, de faire de mon mieux pour mes belles-filles.
J’ai du mal à trouver le bon ton avec cette mère et ses enfants. Je ne sais jamais si je suis “trop” ou “pas assez”. Mes amies me conseillent de prendre mes distances avec les jumelles. Elles trouvent que j’en fais beaucoup trop pour elles. Loisirs, soins, écoute, découvertes, vacances, activités, cuisine… Visiblement je m’implique plus que leur maman et cela risque de la contrarier. J’échange avec mon mari à ce sujet. Il affirme que la maman ne cesse de clamer qu’elle ne se sent pas menacée par moi. Il me rassure et me dit à quel point il est comblé d’avoir trouvé quelqu’un qui aime autant ses enfants et que nous ayons pu faire “famille” ensemble malgré toutes les difficultés.
Les filles sont ravies elles aussi. Elles sont contentes de venir chez nous. Elles demandent même à venir en garde alternée.
Mais la maman fait capoter aussi ce projet de garde alternée que souhaitent tant ses filles. J’ai pourtant trouvé pour elles, comme elles le veulent, des associations pour répondre à leurs demandes de pratiquer la danse, le karaté et le dessin. Tout est jeté à l’eau parce que la maman décrète, sur un motif bidon et d’un seul coup, que cette garde alternée n’aura pas lieu. Peu importe la déception de ses filles. Peu importe le travail logistique de titan que ce projet a nécessité durant un an.
La rage au ventre, le bazooka à l’épaule
La situation ira de mal en pis. Plus nous passons de bons moments avec les filles, plus la maman devient irritable et agressive. Nous aurons droit aux hurlements, à des appels insultants, je reçois même mon lot de menaces de mort simplement parce que la maman ne me supporte pas et ne supporte pas l’idée que mon compagnon refuse de me quitter. Au lieu de cela, nous nous marions !
C’est le coup de grâce pour elle. Quelques mois plus tard, elle dégaine le bazooka : elle demande à ses filles de porter plainte contre nous, pour des maltraitances. Elle menace mon époux et lui assène la chose suivante : “Tu n’as pas idée de ce que je suis prête à faire, tu vas regretter amèrement tout ça. Je te conseille de faire bien attention si tu veux revoir tes filles”. Elle porte plainte, elle aussi, contre nous.
Évidemment, il n’y a eu aucune maltraitance. Les enfants n’ont jamais été privés de nourriture, ni torturés psychologiquement des heures durant et il n’y a jamais eu de campagne de dénigrement menée contre la maman. Après des enquêtes, des expertises, trois juges que la maman a mobilisés pour passer sa rage contre mon existence, rien n’est constaté ! Nous ne sommes pas violents, évidemment. Elle prononcera et assumera quelque temps plus tard, devant l’une des médiatrices mandatées, les mots suivants : “Je veux qu’elle dégage de ta vie, j’ai fait tout ça pour que tu la quittes”.
Finalement, les filles n’osent plus me voir. Le conflit de loyauté est leur prison. Elles se retrouvent incapables de revenir vers moi, avec tous les mensonges dont elles m’ont accusée. Elles revoient leur papa, mais les choses ont changé entre nous tous. Il est lui aussi profondément meurtri par leurs mensonges. La famille entière a été accusée d’immondices. Comment pourraient-elles revenir en portant cela ? Ceux qui le peuvent les accueillent avec ce qu’il leur reste d’affection. Les autres sont blessés et n’ont plus d’attentes. Je me demande aussi comment elles vont pouvoir se reconstruire à la suite de tout cela… Elles ont été privées de tant d’amour sur l’autel d’une mère vulnérable et aux prises d’une jalousie infernale.
“J’ai aimé mes belles-filles comme les miennes”
Le parcours des jumelles ne relève pas de ma responsabilité. Mon chemin, avec elles et les combats internes de leur mère, a été de trouver ma place. J’ai beaucoup appris sur moi-même face à toute cette adversité que je n’ai jamais souhaitée. J’ai rencontré mon mari alors qu’il était célibataire et divorcé (à la demande de son ex) depuis des années. Je ne pensais pas qu’il me faudrait affronter la jalousie de cette femme.
Mais il faut croire que la vie est taquine. J’en ressors grandie. Je ne regrette absolument rien. Je ne regrette pas de ne pas avoir suivi les conseils de mes amies : j’ai aimé mes belles-filles comme les miennes. J’ai été la belle-mère qu’elles méritaient d’avoir et peu importent les ennuis qui s’en sont suivis. Je peux me regarder dans une glace et me souvenir avec nostalgie mais sans aucune amertume de ce que nous avons vécu ensemble et partagé. Je ne doute plus de moi et de ma légitimité. La haine de cette mère m’invite chaque jour à regarder comment je me comporte moi-même en tant que maman et à me questionner : est-ce que, moi aussi, parfois, je fais porter à mes fils mes traumatismes et mes insécurités ?
Une relation conflictuelle, mais une opportunité de grandir
Aujourd’hui, cette personne continue de tenter de me salir avec des calomnies toutes plus absurdes les unes que les autres. Elle prétend que j’ai mis des micros chez elle, que je tente de m’introduire chez eux et que je drague son copain… Nous essayons, nous, d’accepter la vie de famille que le destin nous propose : un coup à 6, un coup à 4 et maintenant une famille protéiforme selon le jour du week-end. Nous sommes loin de la famille classique que je m’étais imaginée avoir lorsque j’avais 25 ans et que j’étais enceinte de mon aîné. Cette situation est aussi déstabilisante qu’enrichissante. Je ne serais jamais devenue la mère que je suis, l’épouse que je suis, et la femme que je suis sans toutes les opportunités de grandir et de m’adapter que le destin m’a proposées, avec plus ou moins de violence.