“ Mais qu’est ce qui ne va pas chez moi ? ”
Mon histoire commence avec une question: “ Mais qu’est ce qui ne va pas chez moi ? « . Je n’arrivais pas à comprendre, après plusieurs années de thérapies, de traumatismes bien cicatrisés, et de nombreux apprentissages sur moi, d’où me venait ce mal être enfoui, cette difficulté à accepter mon image, à me reconnaître dans le miroir. Cette difficulté aussi à faire confiance aux autres et à les laisser me connaître au-delà de la surface. Mais plus encore, cette difficulté à avoir une sexualité plaisante et épanouie.
“ Elle est où ma poignée ? ”
Puis, cette séance d’hypnothérapie est arrivée. Une petite heure qui a tout changé. Une petite heure où, par la métaphore, j’ai exprimé qu’il me manquait quelque chose dans mon corps pour me sentir bien face à mon miroir. Une petite heure, au cours de laquelle, j’étais une casserole sans poignée, parce que le robot qui met les casseroles dans le carton a buggé en arrivant à mon tour. Cette petite heure qui a bouleversé ma vie, c’était il y a quelques mois.
Je suis rentrée après cette séance, et c’est moi qui ai buggé. J’avais toutes sortes de questions en tête: » Mais, il s’est passé quoi là…? « ; » Je suis en train de devenir cinglée ? « ; » C’est pour ça que ça fait des années que je me demande si j’ai un pénis caché ou si on me faisait un IRM, on trouverait peut-être des testicules ? ”; “ Et si tout le monde est aussi mal à l’aise avec mon prénom ? « ; » Est-ce que je m’invente des problèmes ? « .
J’ai continué mon suivi. J’ai accepté que ce sujet existait pour moi et que visiblement, je n’étais pas juste une femme qui avait quelques difficultés avec son image. Mais j’étais bien une personne avec une méconnaissance de son identité sexuelle.
Équipe Hors-Normes :
Peux-tu nous expliquer ton cheminement lié à ton identité sexuelle ?
Il y a trois mois, j’ai commencé à voir ma sexothérapeute. Chaque semaine, nous abordons des sujets d’identité sexuelle, de féminité et de masculinité, d’image de soi, de transition, de changement de prénom.
Ces questions sur soi sont très complexes. C’est un combat contre soi au quotidien, entre évidences, difficultés à comprendre et à accepter. Mais aussi une forte résistance face à cette réalité et ce grand changement. Trouver un bon thérapeute pour les aborder et se faire accompagner est, à mon sens, essentiel.
La révélation est apparue lorsque j’ai reçu mon pénis. Un gode ceinture que j’ai choisi le plus réaliste possible. L’idée était de voir comment j’allais réagir et si cela pouvait combler ce manque et cette frustration que je ressentais. Résultat : j’ai pleuré en ouvrant le paquet avec cette sensation viscérale qu’on me rendait enfin ce dont on m’avait privé depuis ma naissance. Une révélation, car c’est comme si d’un seul coup, j’étais complète. Comme si d’un seul coup, je pouvais me regarder dans le miroir avec plaisir. Comme si d’un seul coup, ma libido s’était mise sur mode “ on ”.
J’ai aussi accepté de dire que je ne me sentais pas femme, mais pas homme non plus. Cela a mis un peu de temps, mais j’ai trouvé mon identité sexuelle, je suis non binaire !
Non, je ne suis pas une femme avec quelques difficultés avec son image. Je suis une personne non binaire, avec une poitrine et un pénis, et qui se sent enfin bien dans ses baskets. Prochaine étape, accepter mon nouveau prénom. Et ça sera Alexis.
Équipe Hors-Normes :
Peux-tu nous expliquer ce qu’est la non-binarité ?
Être non binaire veut dire ne pas être binaire, donc être ni femme ni homme, ou un mix des deux. Vous trouverez plus d’informations sur la non-binarité ici
Il s’agit d’un ressenti très profond, ce n’est pas une lubie.
En référence au pronom “ iel ” (contraction de “ il ” et “ elle ”) utilisé pour parler des personnes non-binaires, je vous invite à lire ce contenu
En ce qui me concerne, je préfère le pronom “ elle ”, mais cela pourrait changer avec le temps. À partir du moment où tu t’es acceptée, tu te fiches un peu de comment les autres te nomment. Certaines personnes prennent tous les pronoms, et aiment quand cela varie, alors que d’autres choisissent un seul pronom. En bref, chacun fait ce qu’il veut.
Équipe Hors-Normes :
Quand as-tu pris connaissance de ta différence ?
Je ne saurai pas trop vous dire quand cela a commencé, mais c’est assez récent. Pendant des années, je me suis concentrée à régler des traumatismes de mon enfance. Il n’y avait pas de place pour autre chose. Pendant longtemps, j’ai été complètement déconnectée de mon corps et de mes ressentis, surtout avec le bas. Puis, il y a quelque temps, j’ai senti que j’avais une excroissance dans le vagin et je me suis demandé si c’était un micro-penis. Je me suis posée d’autres questions régulièrement. Ça me traversait l’esprit, mais j’essayais de ne pas trop y penser car je crois que je n’avais pas vraiment envie de creuser le sujet. D’ailleurs ma séance d’hypnothérapie a été vraiment très compliquée, j’ai rarement autant résisté, tremblé et pleuré.
J’ai toujours eu un problème avec mon reflet dans le miroir. Ce n’était pas forcément une question de complexes ou d’auto critique. C’était vraiment lié au fait qu’en me regardant je n’arrivais pas à me reconnaître. À tel point que j’ai longtemps fui mon reflet. Pour moi, c’était à cause de mon trauma. Sauf que même après l’avoir travaillé le problème était toujours présent. J’ai essayé de faire avec, mais ça me pesait de plus en plus depuis la création de ma boîte parce que j’ai dû me montrer plus souvent, me présenter et me mettre en avant. J’avais plusieurs pistes pour le travailler et j’ai trouvé ma réponse en hypnothérapie.
C’était un peu le même constat avec la sexualité. Je n’arrivais pas à débloquer ma situation malgré tout ce que j’avais travaillé et mis en place. J’étais un peu désespérée sur ce point là car je n’avais plus de pistes, enfin c’est ce que je croyais.
Au final, la chose la plus difficile à faire est de s’accepter soit même, « le coming-in ». Une fois que cela est fait, on accepte plus facilement l’avis des autres.
Équipe Hors-Normes :
À ce propos, quels sont les retours de ton entourage ?
Mon combat aujourd’hui est d’accepter et d’assumer ma non-binarité face à la société, un pas après l’autre. J’ai la chance d’être entourée par des personnes très ouvertes et bienveillantes. J’ai récemment parlé à mes proches, du moins ceux que j’ai choisis, de mon nouveau prénom, ainsi que d’où j’en étais. Ceux-ci ont adopté très facilement le prénom Alexis. Cependant, ma non-binarité reste pour le moment cantonnée à la sphère privée. Il est encore difficile pour moi d’en parler au travail et dans d’autres groupes. Certains le savent alors que d’autres non. Idem dans ma famille, tous ne sont pas au courant.
J’ai eu deux coming-outs à faire. Celui-ci a été le plus difficile, le premier était easy à côté de celui-là. Certaines personnes non-binaires ne sont pas bien entourés, ce qui est très difficile. Il n’est pas aisé de se construire dans ces cas-là.
Équipe Hors-Normes :
Pourquoi est-ce important pour toi de partager ton histoire ?
Parler de mon vécu m’aide à accepter et à assumer ma situation qui n’est pas évidente à gérer. C’est aussi un moyen indirect de me confronter au regard des autres, un pas de plus vers la liberté d’être moi-même. Enfin, c’est une victoire pour moi de montrer à d’autres personnes qui sont concernées par ces questions, que c’est ok, que c’est quelque chose qui peut arriver, et que l’essentiel dans tout cela, est de sentir bien avec soi-même. Nous sommes tous légitimes, et nous ne sommes pas seuls à vivre ce genre de situation.
L’équipe Hors-Normes remercie Alexis d’avoir livré son témoignage ici. Le sujet de la non-binarité reste peu connu à ce jour. Hors-normes est un espace d’expression où chacun peut s’exprimer dans sa singularité. Si vous aussi, vous souhaitez vous livrer sur un sujet en lien avec votre identité “ hors norme ”, vous pouvez prendre contact avec notre équipe.