Comment se protéger de la surexposition aux écrans, une question que nous abordons dans l’article de ce jour. Les écrans, outils envahissants de notre quotidien, personnel, familial ou professionnel, peuvent compromettre notre santé mentale, avec des enjeux différents selon notre âge. Si nous n’y prenons pas garde, ils ont un pouvoir addictif insidieux.
Pour s’en convaincre, il est navrant de constater le désespoir de certains adolescents, harcelés sur les réseaux sociaux, au point d’en perdre la vie en se suicidant. Quant aux enfants plus jeunes, les petits de moins de trois, ils voient leur développement neurocognitif dégradé par une exposition trop précoce aux écrans. Ils souffrent de retard de langage, d’agitation motrice, de troubles du sommeil, qui compromettent leurs capacités d’adaptation à la vie scolaire, et leurs capacités d’apprentissage.
Écrans : vigilance et dangers
Ce propos introductif est volontairement alarmant pour encourager parents et éducateurs à la plus grande vigilance face à l’usage des écrans, tant pour eux-mêmes, que pour les enfants dont ils ont la responsabilité. Sylvain Tesson, écrivain contemporain et grand voyageur, désigne ces nouveaux outils “des bracelets électroniques” pour une surveillance constante à laquelle nous consentons passivement, en nous soumettant à ces machines qui produisent des algorithmes à n’en plus finir.
Les enjeux de la dangerosité des écrans sont différents selon les âges de la vie. Regardons plus en détail ce qu’il en est.
Les préadolescents
Les enfants âgés de 6 à 11 ans, communément appelés préadolescents, sont tout aussi menacés, que les plus jeunes, par les effets néfastes des écrans : jeux vidéo violents, images pornographiques trop facilement accessibles, images de violences de guerre ou de crimes.
Face à de telles images, ils développent des angoisses ou des tendances violentes, par imitation ou identification à l’agresseur.
Les adolescents
Les adolescents sont exposés à des influenceurs, pas seulement pour leur vendre des baskets ou des vêtements dernier modèle, mais aussi pour les endoctriner parfois, et dans le pire des scénarios, les recruter dans des réseaux de délinquants ou de terroristes. Ils sont également exposés à des prédateurs sexuels sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, des chercheurs ont étudié les conditions d’endormissement : la lecture permet de s’endormir rapidement ; regarder la télévision retarde l’endormissement ; surfer sur Internet vous permet de passer une nuit blanche.
Il est recommandé de retirer les écrans aux enfants et adolescents deux heures avant l’heure prévue de l’endormissement. Rappelons que le manque de sommeil des enfants et des adolescents va compromettre leur attention et leur concentration scolaire le lendemain.
Cet inventaire tragique n’est pas virtuel. Il suffit de s’intéresser à l’actualité pour vite comprendre les risques auxquels les enfants et les adolescents sont exposés, et de mesurer notre responsabilité individuelle et collective d’adultes en charge de leur éducation. Il en va de l’avenir de leur place dans la société et de leur santé mentale, à tous les âges de la vie.
Les adultes
Comment se protéger de la surexposition aux écrans lorsqu’on est adultes ? Et bien d’abord en commençant par mesurer le temps que nous y passons chaque jour, et en analysant chaque usage. Comme toute addiction, la dépendance à ces nouveaux outils va demander une étape de sevrage. Comme chaque sevrage entraîne une sensation de manque, il reste donc à apprendre à vivre avec ce manque, et à découvrir d’autres façons d’occuper notre temps : lire, écouter de la musique, pratiquer un sport ou toute autre activité physique.
Prendre conscience de sa dépendance, quel qu’en soit le produit, est inconfortable. Cela va nécessiter un effort de changement, pour aller vers un nouveau confort, voire une restauration de son état de santé, mentale et physique.
Cette floraison d’écrans peut nous conduire à perdre la raison, par manque de sommeil, par surexcitation cérébrale qui entrave nos capacités de concentration.
Lire est lent, lire sollicite notre imaginaire, nous conduit sur les chemins de la rêverie diurne. Faire défiler des images sur les réseaux sociaux nous impose des représentations que notre cerveau n’a pas le temps d’assimiler, et bloque nos capacités de réflexion et d’analyse.
Dans ce monde mécanisé, avons-nous encore des marges de manœuvre pour protéger nos libertés ?
En tant que médecin de santé publique, chargé de prévention et de protection de l’enfance, cette question me paraît centrale, dans ce monde dont les évolutions s’accélèrent à un rythme qui n’est plus compatible avec nos capacités d’adaptation.
Il est probable que notre liberté, dans ce monde dit “hyperconnecté”, réside dans notre capacité à :
- Dire NON à cette déferlante d’images et de sons véhiculés par les écrans.
- Choisir le moment où nous voulons écouter ou regarder.
- Choisir les sources intelligentes de connaissances.
- Ne pas nous livrer pieds et poings liés aux GAFA qui se nourrissent de nos données, sans que nous puissions savoir à quelles fins ils les utilisent.
Les bénéfices des écrans
Venons en maintenant aux effets bénéfiques des écrans. Ils sont des outils d’accès à la culture sous toutes ses formes. Ils sont aussi les outils de notre quotidien professionnel, pour communiquer et améliorer les liens sociaux au travail. Mais ils ne remplaceront jamais la convivialité des rencontres en vrai, celles où l’on se voit et l’on se parle de personne à personne.
Vous l’aurez probablement compris, je suis né et j’ai grandi sans écrans, ou plutôt avec pour seul écran la télévision. Cela ne m’a pas empêché de devenir médecin, ni de vivre une vie pleine, avec le souci de prendre soin des enfants et de leurs parents, en les recevant en consultation, en “présentiel”, comme on dit maintenant, et pas en “téléconsultation”, invention critiquable qui ne suffira pas à combler le manque de médecins.
Si vous souhaitez partager votre expérience de l’usage des écrans, vous serez les bienvenus. Nous sommes également intéressés par les astuces que vous mettez en œuvre pour éduquer vos enfants à l’utilisation des écrans.