La dépression fait partie de ma vie
Une femme se promenant et parlant. Un banc en arrière plan

La poésie dorée de Léa face à la dépression

écrit par Léa

Je m’appelle Léa, j’ai 36 ans, je suis maman de trois enfants et l’amoureuse d’un homme extraordinaire depuis 11 ans. 

D’aussi loin que je me souvienne, je ne me suis jamais vraiment sentie à ma place nulle part : à l’école, dans ma vie professionnelle, dans ma vie sociale et même plus tard, dans ma vie de mère et de compagne. 

La dépression, une compagne de longue route 

J’ai compris avec le temps que la dépression faisait partie de ma vie. Elle m’a longtemps empêché de m’ancrer quelque part de manière stable. 

J’ai compris, au fil des suivis psy, en retraçant mon histoire, que l’hypersensibilité, le manque de confiance en moi, l’anxiété, mais aussi les épisodes de fatigue chronique, avaient toujours conditionné ma manière de vivre, de travailler ou de me fondre, ou non, dans les groupes sociaux. 

Je n’ai jamais été capable de passer plus d’un an dans un emploi salarié. Avec le temps, tout s’explique. J’ai souvent démissionné en mettant mon mal-être sur le monde du travail. C’était mon excuse pour tout, pour fuir. Le malaise n’était pas là, ou pas uniquement en tout cas. 

La maternité: facteur aggravant de la dépression 

La maternité a été sans nul doute le plus grand des chamboulements. Ma bulle éclatait à mesure que notre famille s’agrandissait. Mes besoins étaient sans arrêt mis de côté pour répondre à ceux de mes enfants. J’ai laissé disparaître mon espace vital, sous un tas de responsabilités. Certaines nécessaires, justifiées, et d’autres imposées par ce que la société attend d’une mère « normale ». 

J’ai mis de côté certains rêves, parce que ce n’était pas le moment, parce qu’il y a des choses que l’on ne fait pas quand on est maman. 

Le jour où tout a basculé 

Et puis, ma vie bien remplie a basculé en septembre 2022. 

Cela a été le début d’un épisode dépressif très intense qui m’a littéralement cisaillé. J’ai passé de longues semaines entre mon lit et les urgences psychiatriques de l’hôpital. Incapable de me lever, de me nourrir, de m’occuper de mes enfants ou de moi-même. Incapable de respirer sans que l’idée même d’être là, vivante, dans ce corps, dans cette vie, ne devienne une douleur insoutenable. 

Respirer était douloureux. Vivre était douloureux. 

Ne me demandez pas pourquoi. C’est toute la particularité de la dépression: vous pouvez avoir une vie extraordinaire, tout ce dont vous avez besoin, ne manquer de rien. Puis, un jour, vous commencez à vous noyer et vous ne savez pas quand vous sortirez la tête de l’eau. Vous ne savez pas si la vague qui vous tire vers le fond de l’océan vous laissera un jour en sortir. 

L’accompagnement des proches 

J’ai eu la chance d’être entourée de bienveillance. Personne ne m’a fait aucun reproche, personne n’a cherché à me sortir du lit. Je me souviens de très peu de choses finalement : mes enfants qui venaient m’embrasser en rentrant de l’école et la douceur du soutien sans faille de l’homme que j’aime. Sa résilience, sa résistance, la certitude qu’il serait à mes côtés jusqu’au bout et sa façon de me laisser pleurer au creux de ses bras chaque fois que j’en ai eu besoin, ont été mon radeau de sauvetage. 

Des professionnels en or 

J’ai également eu la chance de tomber sur une équipe médicale en or (psychiatre, psychologue, généraliste) qui ont su être réactifs, joignables et disponibles pour moi avec beaucoup de bienveillance. 

J’habite le plus grand désert médical de France, mais le lien entre le CMP et les urgences psychiatriques est assez bien pensé. Mon dossier est partagé entre les différents interlocuteurs, si bien qu’à aucun moment je n’ai eu le sentiment d’être abandonnée par le corps médical. 

Ce n’est pas toujours le cas. Ça ne l’a pas toujours été pour moi. Je crois qu’il faut savoir changer de professionnel lorsque le courant ne passe pas, au risque de se terrer dans son coin, de laisser tomber le suivi, voire son traitement. 

Si cela ne semble pas si grave sur le moment, je peux dire pour l’avoir vécu qu’arrêter subitement les antidépresseurs finit toujours par se payer. 

Vivre une vie hors-norme 

Après quelques mois, doucement mais sûrement, le traitement médicamenteux aidant, j’ai commencé à reprendre des forces. Mais pourquoi ? Pour qui ? Pour faire quoi de ma vie ? Me relever oui, mais pour aller où ? 

Aller au-delà d’une “vie parfaite” 

Je n’avais pas envie de continuer à mentir, à faire semblant d’être la femme parfaite, d’une maison parfaite où vit une famille parfaite. 

Cet épisode de plusieurs mois m’avait mis devant une réalité. J’avais envie de vivre une vie hors-norme. Tant pis si ça n’entrait pas dans les clous, si ça faisait jaser. Tant pis aussi si je me lançais dans une aventure personnelle sans savoir où elle allait me mener. J’avais envie et besoin d’essayer. Je devais vivre, m’accrocher, renaître. Et me prouver à moi-même que j’étais plus forte que la dépression. 

Réaliser un rêve d’enfant 

Alors d’abord, j’ai pris un billet d’avion pour Porto et j’ai décidé que le printemps 2023 serait celui de la réalisation d’un rêve. À l’heure où j’écris ces mots, je m’apprête à parcourir à pieds et seule, le trajet entre Porto et Saint-Jacques de Compostelle. C’est un rêve d’enfant que je réalise. Un chemin. LE chemin comme l’appelle ceux qui ont fait ce pèlerinage. 

Écrire ses douleurs: la réparation par la poésie 

Et puis, moi qui n’ai jamais cessé d’écrire, j’ai voulu tenter ma chance. J’ai travaillé d’arrache pied durant de longues semaines pour sortir mon recueil de poésie en auto-édition. Mi-janvier, naissait « Et Les Fêlures Dorées » en référence à l’art japonais du Kintsugi qui consiste à réparer les céramiques brisées avec de l’or. La céramique brisée c’est moi. La poésie me répare, sublime mes éraflures. Elle est pour moi bien plus qu’un art, elle est une philosophie de vie, une manière de regarder le monde et soi. 

À peine avais-je osé publier mes textes, remonter sur scène lors des soirées slam, que la magie a opéré. Pour la première fois de mon existence, j’ai le sentiment d’être parfaitement à ma place. Je n’ai jamais pensé que ces fêlures que je tentais d’exprimer pourraient intéresser qui que ce soit et pourtant… L’océan de la vie me porte après avoir tenté de me noyer. 

Les occasions de monter sur scène, présenter mon livre ou animer des ateliers d’écriture se multiplient et j’en suis plus que reconnaissante. J’ai une gratitude infinie envers la vie, mais aussi, et surtout celles et ceux qui sont touchés par mon art et me permettent de le vivre à fond. 

Même si je garde quelques vieilles habitudes, comme la culpabilité de quitter le nid familial pour monter sur scène à 200 km de la maison. 

Il est difficile de se détacher de ses vieux travers, mais le regard de ceux qui vous aiment ne ment jamais. Je peux lire la fierté dans l’œil de mes enfants qui ne manquent pas une occasion de souligner que maman est une artiste !

“Je suis la voix de ceux qui n’entrent pas dans LES cases” 

Mes mots résonnent, ils sont entendus, écoutés, lus. 

Ils sont là pour exprimer, rendre tangible, ce que d’autres ressentent sans jamais réussir à trouver les mots pour le dire. 

J’aime à dire que je suis la voix de ceux qui n’entrent pas dans LES cases car il leur en manque une. 

Le triomphe de l’espoir sur la dépression 

J’aspire à porter l’espoir. Un espoir réaliste. Parce que ceux qui ont vécu la dépression le savent, on n’est jamais vraiment certain d’en être sorti. On n’est jamais vraiment loin de la prochaine petite pilule bleue. 

Mais on peut en tirer quelque-chose, faire des choix de vie un peu osés, mais qui nous préservent. On peut aussi décider que notre sensibilité est une force et qu’elle mérite d’exister, que nous méritons. 



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