L'estime de soi - Hors-Normes
Découvrez les fondements de l'estime de soi à travers ses trois piliers et apprenez comment ces éléments se construisent avec Docteur Cleray.

L’estime de soi

écrit par Docteur Cleray Xavier

Qu’est-ce que l’estime de soi ? Ce dossier a pour but de vous éclairer sur le sujet. Nous verrons que l’estime de soi se fonde sur trois piliers. Puis nous mettrons en lumière les clés de l’estime de soi, ou comment ouvrir la grande porte de la maison de l’estime de soi. Une fois ces éléments de base posés, nous aborderons la question de l’altération de l’estime de soi : comment en venons-nous à la perdre et à la restaurer.

Les trois piliers de l’estime de soi

Il est difficile de définir précisément le concept d’estime de soi, tant il est constitutif de notre personnalité et de notre fonctionnement psychologique. Il est aussi éloigné de toute rationalité, nous confrontant à la subjectivité de notre être au monde. 

La perception que nous avons de nous-même, ne se reflète pas toujours dans le masque social que nous présentons aux autres. Perception qui représente le ressort que nous activons pour entrer en relation avec les autres, et ce, quel que soit notre âge.

Reprenons alors la définition que nous proposent Christophe André et François Lelord, tous deux psychiatres et psychothérapeutes, dans leur livre : “L’estime de soi, s’aimer pour mieux vivre avec les autres”.

Trois piliers soutiennent l’estime de soi : l’amour de soi, la vision de soi et la confiance en soi.

L’amour de soi

“S’aimer ne souffre aucune condition ; on s’aime malgré ses défauts et ses limites, malgré les échecs et les revers, simplement parce qu’une petite voix intérieure nous dit que l’on est digne d’amour et de respect.

Cet amour inconditionnel ne dépend pas de nos performances. Il explique que nous pouvons résister à l’adversité et nous reconstruire après un échec.

Il n’empêche ni la souffrance ni le doute en cas de difficultés, mais il protège du désespoir.”

La vision de soi 

“Le regard que l’on porte sur soi, cette évaluation, fondée ou non, que l’on fait de ses qualités et ses défauts, est le deuxième pilier de l’estime de soi.

Il ne s’agit pas seulement de connaissance de soi ; l’important n’est pas la réalité des choses, mais la conviction que l’on est porteur de qualités ou de défauts, de potentialités et de limitations.”

La confiance en soi 

“Être confiant, c’est penser que l’on est capable d’agir de manière adéquate dans les situations importantes. L’estime de soi a besoin d’actes pour se développer”.

Ces trois piliers se construisent avec l’aide et le soutien de nos parents, de notre famille, des adultes qui ont pris soin de nous, en leur absence.

Les clés de l’estime de soi 

Imaginons à présent notre monde intérieur, notre vie psychique, comme une maison où trois pièces occupent l’espace où circule notre estime de soi : l’amour de soi, la vision de soi et la confiance en soi.

Il est probable que nous nous sentirons en sécurité et suffisamment fort pour affronter le monde extérieur si ces trois pièces sont ouvertes les unes aux autres, si nous parvenons à y circuler librement, sans qu’aucune ne soit fermée à clé.

Mais au fait, qui nous en a fourni les clés ?

Ce sont nos parents qui nous ont d’abord donné ces clés. L’élan amoureux qui les a rapprochés est à l’origine de notre conception, tant biologique que psychique. Ils ont dû s’armer de patience pendant neuf mois, le temps nécessaire à préparer notre naissance.

Et nous voici vivants, entourés de notre mère, elle-même entourée de notre famille. Chacun de nos parents nous attendait à sa façon, car seules les mamans portent leur bébé in utéro. Les futurs pères vivent la grossesse différemment ; quelquefois, ils en sont tellement effrayés qu’ils se sauvent pendant la grossesse, laissant les mamans seules face aux exigences des responsabilités parentales. Courage, fuyons cette échéance de devenir père…

Autour de l’amour de soi 

Dès notre conception, nous héritons des gènes de nos parents, et aussi de leur histoire familiale et conjugale. Le tissage de ces deux histoires est porteur d’amour, et quelquefois de haine, qui va nourrir notre amour de soi dans les interactions précoces avec notre mère (ou l’adulte en charge de nos soins quand nous étions bébé).

Notre mère sera en capacité de nous aimer selon qu’elle-même se sent aimée et soutenue par son entourage familial et amical, et s’est sentie aimée étant enfant.

John Bowlby, psychiatre anglais, a conceptualisé une théorie de l’attachement précoce mère-bébé, qui décrit l’importance du lien mère-bébé dans sa construction psychique, lien qui va nourrir l’amour de soi.

Autour de la vision de soi 

La clé de la vision de soi nous est aussi fournie par nos parents. La vision que nous intériorisons de nous-mêmes se construit sur la façon dont nous sommes regardés par nos proches.

Certain-es psychanalystes parlent des fées autour du berceau, j’ajouterai “dans le meilleur des cas”, car les regards portés sur le nouveau-né ne sont pas toujours bienveillants.

Si la bienveillance de notre entourage affectif est suffisante, notre vision de soi en sera d’autant plus forte.

Les sources de la vision de soi s’enrichissent du regard que notre entourage amical et social porte sur nous. Ce qui est très actif pendant l’adolescence, les ados sont très sensibles au regard de leurs pairs, dans ce moment où ils se différencient de leurs parents.

Autour de la confiance en soi 

Entrons maintenant dans la troisième pièce de notre maison intérieure, la confiance en soi. La clé est fabriquée à partir de nos expériences motrices, dès le moment où nos capacités neuromusculaires nous permettent de nous déplacer seul dans l’espace, en rampant, à quatre pattes, debout avec appui, et enfin debout sans appui.

Nos expériences par essai-erreur ont lieu dans notre espace familial, et aussi dans les lieux d’accueil auxquels nos parents nous confient, assistante maternelle ou crèche collective.

D’où l’importance des activités psycho-motrices proposées aux bébés, dès qu’ils sont en capacité de bouger, sans brûler les étapes et en respectant son rythme, tous les bébés ne commencent pas à marcher à 9 mois.

La confiance en soi continue de grandir tout au long de l’enfance et de l’adolescence : apprendre à glisser du haut d’un toboggan, à faire du vélo, à faire du roller, à nager, à pratiquer un sport. La confiance en soi grandit aussi dans le champ des compétences cognitives : notre capacité à connaître le monde qui nous entoure pour mieux le comprendre, nous prépare à agir en le respectant et en respectant les autres.

Rien n’est figé, ni définitif dans notre maison intérieure. Et tout ne dépend pas de la disponibilité de nos parents. Nous avons aussi des grands-parents, des oncles et tantes, des frères et sœurs, qui contribuent à décorer notre maison intérieure de l’estime de soi.

De plus, comme toutes les maisons, elle peut être rénovée ou reconstruite si les intempéries l’ont altérée. Entendez par là, si les épreuves que nous traversons bousculent trop fortement notre estime de soi, ou si nous sommes pris dans les filets de relations toxiques, conjugales, familiales ou professionnelles. 

Il me semble que l’essentiel est de trouver les personnes compétentes pour nous aider à restaurer l’accès aux trois pièces dont nous avons besoin pour vivre sans désespérer : l’amour de soi, la vision de soi et la confiance en soi. Ces trois forces intérieures qui nous portent vers les autres, sans peur ni animosité.

Comment l’estime de soi peut-elle être altérée ?

Regardons à présent plus en détail comment l’estime de soi peut être altérée, en d’autres mots, comment nous en venons à en manquer.

Grandir dans un environnement familial défaillant 

L’estime de soi peut être altérée dès la petite enfance, quand les parents et l’entourage familial, aux prises avec leurs propres difficultés, n’a pas réussi à nourrir l’amour de soi, la vision de soi et la confiance en soi dont chaque enfant a besoin.

Il ne s’agit pas là de faire le procès des parents, mais de tenter de comprendre avec eux, et ce, le plus tôt possible, ce qui entrave leur disponibilité à répondre aux besoins physiologiques et psycho-affectifs de leur enfant.

Un enfant qui grandit dans un milieu familial violent, victime de maltraitance et/ou exposé à des violences conjugales, ne pourra développer une estime de soi positive.

Simple constat de bon sens, mais lourd de conséquences sur notre responsabilité collective à prendre soin des enfants et de leur famille, aux prises avec ces modalités relationnelles violentes.

Se positionner en tant que parent face à son enfant, ce n’est pas toujours si simple. 

Aider les parents à comprendre ce qui entrave leur disponibilité à répondre aux besoins physiologiques et psycho-affectifs de leur enfant, c’est ce qui fonde, par exemple, les missions de protection maternelle et infantile (PMI), et de tous les acteurs professionnels dans le champ de la périnatalité.

Mais aussi l’engagement des acteurs associatifs dans les communes, au plus près des familles, en leur proposant des activités qui soutiennent et valorisent les relations parents-enfants. Je citerai ici à titre d’exemple lAssociation Pour Favoriser l’Egalité des Chances (APFEC) ; association proposant de nombreuses activités éducatives, avec laquelle j’ai personnellement travaillé durant mes mandats en tant que médecin au service de protection maternelle et infantile. 

Manque de limites éducatives et tyrannie des désirs

Autre altération possible de l’estime de soi, l’enfant exposé à des parents qui cèdent à tous ses désirs. L’enfant devient alors soumis à la tyrannie de ses désirs, ce qui compromet son développement personnel dans sa capacité à s’adapter aux contraintes du réel, et aussi sa capacité à développer des relations sociales apaisées, équitables.

Au sens où il ne cherche pas à manipuler l’autre pour installer son emprise et conserver l’illusion que tous ses désirs pourraient être assouvis.

L’altération viendra alors de ceux qui refusent cette emprise, ce dont il a besoin pour redescendre de son piédestal, mais qu’il refusera violemment, comme par exemple les agresseurs dans le cas du harcèlement scolaire.

La fragilité de l’adolescence

L’adolescence est également une période sensible pour l’estime de soi. Je rappelle ici que nous avons abordé cette thématique de l’adolescence dans un autre dossier.

Le degré de dépendance au regard des autres, peut altérer gravement l’estime de soi, en particulier dans l’effet miroir dévastateur des réseaux sociaux. Jusqu’à pousser des ados à des tentatives de suicide qui ont entraîné la mort de certain-es d’entre eux, comme nous le rappelle régulièrement l’actualité.

À tout âge, chaque fois que nous sommes confrontés à un échec, dans notre vie personnelle ou professionnelle, nous sentons profondément que notre estime de soi est ébranlée. Selon qu’elle est plus ou moins solide, nous retrouverons la force de ne pas nous écrouler, de ne pas céder au désespoir.

Les épreuves de la vie 

La violence des épreuves et autres coups du sort que la vie ne manque pas de nous réserver peut aussi contribuer à altérer l’estime de soi. 

Que nous soyons personnellement touchés par l’épreuve, ou que nos proches vivent un accident, une maladie grave ou un échec qui les perturbe violemment, comme par exemple le chômage. Ces moments délicats interrogent en même temps notre estime de soi et les liens relationnels avec nos proches.

Je souhaite ici partager un exemple clinique avec vous qui traduit le manque d’estime de soi d’une jeune maman allaitante face à son bébé. 

“Une maman consulte un pédiatre pour des difficultés à allaiter son bébé ; l’allaitement provoque de vives douleurs aux seins, ce qui la conduit à douter de ses compétences maternelles. Son estime de soi est malmenée.

Le pédiatre, dans une démarche de médecine narrative, interroge l’histoire familiale de la maman qui accepte de lui parler de la perte de sa maman (la grand-mère maternelle), décédée récemment d’un cancer du sein.

Les liens que la maman a réussi à faire avec ses symptômes, lui ont permis d’en être soulagée, et aussi de soulager son bébé du poids de cet héritage difficile, de ce deuil qui ne passait pas.”

Nous pourrions multiplier les exemples. Les Jeux paralympiques de Paris ayant eu lieu récemment, l’histoire des athlètes paralympiques nous donnent chaque jour des leçons de vie quant à leur capacité d’avoir trouvé dans le sport le soutien et la restauration de l’estime de soi.

Vos mots sur le thème de l’estime de soi

Si cette thématique, au cœur de notre vie psychique et de notre intimité, vous intéresse, nous vous invitons à témoigner de votre expérience personnelle et/ou professionnelle, si vous êtes soignant, par exemple.

Nous vous proposons deux questions :

  • Comment prenez-vous soin de votre estime de soi ?
  • Comment prenez-vous soin de l’estime de soi de ceux qui vous entourent ?

À vos stylos ou à votre clavier, pour les plus modernes…. Vous pourrez déposer vos magnifiques témoignages dans notre espace d’écriture prévu à cet effet. 

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